Droit Civil > Mariage tunisienne/non-musulman

Reconnaissance de mariage

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ALCHIMISTE:
Bonjour à tous :

 D'abord, je voudrais remercier notre administrateur pour m'avoir accorder la permission de diffuser certains passages de ma thèse intitulée " Le contrat de mariage de la tunisienne avec le non musulman" présentée devant le jury de l'Université de Perpignan en novembre 2003.

Comme c'est promis, je commence aujourd'hui, avec honneur, de vous communiquer des longues extraits de cette thèse, et j'espère  que cela va enrichir le débat sur le forum :


ALCHIMISTE:
Re bonjour :  
Voici le premier extraits choisi :
(Il est nécessaire de rappeler que j'ai procéder à une très longue introduction dont j'ai essayer de différer le droit positif tunisien du droit musulman classique).  

...Après avoir accédé à cette exposition du contrat de mariage en législation  musulmane classique et en législation positive tunisienne, il serait très intéressant de remarquer que dans les deux droits les conditions de mariage se ressemblent. Seulement, il est clair que  le droit tunisien du statut personnel, malgré qu'il  s'inspire du droit musulman classique, ne lui serait guère une copie. Cette idée est très réputée et il suffira de retenir les cas d'empêchements au mariage où il figure bien en droit musulman que la femme musulmane ne pourrait pas se marier avec un non  musulman. Une condition expressément dictée par le Coran (1) (Verset 220 de la "sourate II  Al baqara" " la vache" << N'épousez point des femmes idolâtres, tant qu'elles n'auront pas cru ….Ne donnez point vos filles aux Idolâtres tant qu'ils n'auront pas cru>>.Egalement "sourate Al Moumtahinah" Verset 10 << Et si vous avez su qu'elles sont croyantes, ne les renvoyez pas aux mécréants, elles ne sont pas licites pour eux et eux ne sont pas licites pour elles>>).
Pareil empêchement n'est pas révolu dans le droit positif tunisien, du moins explicitement.
L'hypothèse du mariage entre une musulmane et un non musulman est exclue dans le droit musulman classique et ne pose aucun problème puisque l'interdiction est expressément prononcée. Par contre en droit positif tunisien, plusieurs exclamations se posent puisque le législateur n'a pas dévoilé son intention contrairement à d'autres législations(2).( Code du statut personnel et des successions marocain promulgué par leDahir n° 1-57-343 du 28 rebia II (22 novembre 1957) portant application des livres I et II du Code de statut personnel et des successions: Chapitre V
- Les empêchements au mariage : article 29 :empêchements temporaires: "Sont prohibés : 4° Le mariage d’une musulmane avec un non musulman").

A ce stade, la doctrine intéressée, se divise en deux : la première énonce que la législation tunisienne prohibe un tel mariage. La seconde prouve que le droit tunisien ne comporte aucune interdiction qui exclut le mariage de la Tunisienne avec un non musulman.
Deux opinions différentes émanant de plusieurs raisons :
* Aucune disposition légale du code du statut personnel tunisien ne déclare explicitement l'interdiction  de conclure un tel contrat de mariage. Ceci peut évoquer les choix du législateur tunisien en matière de source de droit en cas d'absence d'une règle juridique ou, dans le cas du silence du droit.
*L'interprétation du droit du statut personnel par son rattachement au droit musulman classique par la jurisprudence tunisienne.
*Les engagements internationaux de la République tunisienne par la ratification de plusieurs conventions dont l'objet est l'amélioration de la situation de la femme, notamment en ce qui concerne son droit de choisir librement son futur époux sans discrimination raciale, religieuse ou culturelle (1).( Convention de New York de 10 .12 .1962. Egalement la convention de L'ONU de 1979).
*Le refus permanent de l'administration tunisienne  de procéder à la transcription de l'acte de mariage.
La pratique nous enseigne que plusieurs  cas de mariages mixtes sont conclus (à l'étranger ) et qui produisent leurs effets sur le territoire tunisien par le biais même du droit tunisien.
En effet, le mariage d'une tunisienne avec un non musulman nous paraît comme un sujet toujours présent qui s'impose et qui mérite d'y repenser (2) notamment avec les changements qui ont atteint la société tunisienne, les nouvelles lois adoptées par le législateur tunisien en matière de statut personnel ainsi que les conventions ratifiées pour but l'essor de la situation de la femme. Un sujet  qui pose une problématique concernant la validité  du contrat de mariage de la Tunisienne avec un non musulman et les effets d'un dit contrat.

ALCHIMISTE:
Je continue encore :
En réalité, si un tel contrat est dénoncé par le législateur tunisien il faudra bien l'argumenter.  S'il est accepté, on devrait lui chercher un fondement. D'autre part un contrat conclu, pris abstraitement, produit sans aucun doute des effets et c'est le même cas pour le contrat de mariage de la Tunisienne avec un non musulman, sujet de notre recherche, qu'il soit interdit ou  autorisé. Autrement, si une tunisienne arrive à contracter un mariage avec un non musulman,  nonobstant la validité ou la nullité du contrat en lui-même, des conséquences seront retenues. Ces conséquences peuvent donner une autre situation à ce contrat de mariage, et il nous paraît donc très légitime de s'interroger sur la situation juridique dudit contrat de mariage.
Pour répondre aux interrogations précédentes, on va dénicher  la position de la doctrine et des différents intervenants dans le système juridique tunisien. Deux discours qui se révèlent : un courant qui considère que ce contrat est nul, un autre pour la validité du contrat. D'un autre côté il nous paraît que ni le discours de la nullité du contrat, ni celui de sa validité ne peuvent exprimer la réelle situation de ce contrat de mariage. Et c'est pour cette raison qu'on va essayer de fonder et défendre une autre thèse de la situation du contrat de mariage de la Tunisienne avec le non musulman. Afin d'analyser ce sujet nous essayerons d'examiner ce problème en deux parties :

-      Une première partie pour présenter la situation actuelle du contrat de mariage de la tunisienne avec le non musulman (I ).

-      Une  seconde partie consacrée à la discussion d'une nouvelle approche de la situation de ce contrat de mariage (II).        

             ( Et demain je vous faire parvenir des extraits de la première partie).

Merci

ALCHIMISTE:
Voici des extraits de la première partie sous le titre de :
"La situation actuelle du contrat de mariage de la Tunisienne avec le non musulman dans le droit tunisien"

L'interdiction du mariage d'une musulmane avec un non musulman, qui figure effectivement dans le droit musulman classique n'a pas été reprise dans le Code du Statut Personnel Tunisien, du moins explicitement, puisque aucune disposition légale ne paraît hostile à un pareil mariage, contrairement à d'autres législations arabes qui, expressément, manifestent la prohibition d'un contrat de mariage unissant une femme musulmane à un adepte du christianisme, du judaïsme et autres personnes qui n'ont pas de croyance islamique.

Dans un milieu tunisien, presque de totalité musulmane, se marier avec un non musulman est un signe d'apostasie. Mais, faut-il affirmer que toute tunisienne est nécessairement musulmane ?
D'autre part, pourquoi priver une personne de son droit de choisir librement son conjoint ? Mieux, ne serait-il pas un désengagement des responsabilités internationales signées par le gouvernement tunisien ?

Manifestement, la pratique en Tunisie nous révèle que le mariage d'une tunisienne avec un non musulman est  mal toléré que ce soit  par  la société, par une grande partie  de  la doctrine, par l'administration et même par la jurisprudence.(1)  (L'arrêt "HOURYA" du 31 janvier 1966 Cass CIV N°3384: "Attendu qu'il est incontestable que la femme musulmane qui épouse un non musulman commet un pêché impardonnable;"

- Le 21.4.1957, le tribunal de première instance d'Alexandrie en Egypte motiva l'interdiction du mariage d'une musulmane avec un non musulman comme suit:
<<Le mari mène la femme au lit , il ne peut donc lui être inférieur en croyance. La musulmane croit en ce que croit le monothéiste non musulman (al kitabi ) et croit à des choses auxquelles il ne croit pas. Elle reconnaît notre Seigneur Mahomet, alors que lui, il ne reconnaît que le Messie qu'il suit. Dieu a dit: "Ne mariez pas vos filles à des polythéistes avant qu'ils croient" . L'envoyé de Dieu (Mahomet) a dit: "L'Islam domine et ne saurait être dominé". La doctrine musulmane en a déduit unanimement que la musulmane est illicite pour le mécréant (kafir). Aussi il faut séparer les deux conjoints; le non-musulman est châtié s'il l'a pénétré  alors que la femme musulmane sera excusée. S'il se convertit à l'Islam après le mariage, on ne maintient pas ce mariage parce qu'il est nul à titre originaire et la conversion ne le rend pas valide.>>.

Ce refus pouvait être consommé s'il existait une règle explicite interdisant ce genre de contrat. Mais aucune disposition légale n'est valable pour le confirmer.
Cette situation ambigüe va engendrer un débat doctrinal d'une énorme importance puisque, au-delà du sujet même de la validité ou la nullité du contrat de mariage de la tunisienne avec le non musulman, l'affaire concernera l'interprétation du droit tunisien, ses sources, son rapport avec le droit musulman classique, les libertés personnelles, les engagements internationaux de l'Etat et la suprématie de la constitution.  

Sur le plan pratique, plusieurs mariages entre tunisiennes et non musulmans sont conclus à l'étranger. Ils ont produit et produisent encore leurs effets en Tunisie et par l'aide même de la législation en vigueur bien que l'avis de l'administration tunisienne à la conclusion et à la transcription de l'acte de mariage soit défavorable (1).
( Circulaire du Secrétaire d'Etat à l'Intérieur du 17 mars 1962 à l'attention des officiers de l'état civil leur interdisant la conclusion des actes de mariages entre des musulmanes et des non musulmans).

ALCHIMISTE:
Je continue :
A ce niveau il nous sera nécessaire de rappeler les règles juridiques qui régissent et conditionnent la conclusion de l'acte de mariage en Tunisie : Le Code du Statut personnel indique dans son article 5 que :" Les deux époux ne doivent pas se trouver dans l'un des cas d'empêchements prévus par la loi. .... "
L'article 14 du dit Code parle des empêchements au mariage qui sont de deux sortes : des empêchements permanents résultant  de la parenté , de l'alliance , de l'allaitement ou du triple divorce et des empêchements provisoires résultant de l'existence d'un mariage non dissout ou de la non expiration du délai de viduité. Et comme nous le constatons, aucune mention qui laisse conclure qu'un mariage mixte entre une tunisienne et un non musulman est frappée de nullité. Or, dans le droit en général, il existe un principe qui affirme que ce qui n'était pas formellement défendu ou bien prohibé par la loi est licite et lorsque la loi s'exprime en termes généraux il faut l'entendre dans le même sens.  
Contrairement à ce qui a été dit, une forte doctrine et jurisprudence essayent de trouver dans les dispositions  mentionnées une explication à son hostilité aux mariages mixtes par le biais du rattachement de droit de la famille aux règles du droit musulman. Une position largement critiquée par un courant qui soutient la liberté de la femme de choisir son conjoint et la laïcisation du droit du statut personnel tunisien. Ce courant prétend prouver que le législateur tunisien ne s'oppose pas au mariage de la tunisienne avec un non musulman et que cette hypothèse n'est point qu'une réflexion traditionnelle des fidèles de la loi sacrée surtout avec la ratification de la Tunisie, sans réserve, de la convention de New York de 1962 qui stipule le droit de la femme à choisir son époux sans distinction de race ou de religion.

Deux thèses différentes a chacune ses preuves et ses arguments. Deux doctrines qui s'opposent extrêmement. Deux principales positions classiques que nous devrons essayer de connaître: La première défend la nullité du contrat de mariage de la tunisienne avec le non musulman (Section 1), la seconde plaide en faveur de la validité d'un tel acte (Section 2 ).

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