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Succesion et reconnaissance paternité

Succesion et reconnaissance paternité
« le: 26 mai 2018, 03:33:54 pm 15:33 »
Bonjour,
Je suis né en France Mon père tunisien ne s'est pas marié avec ma mère.
Aujourd'hui il est décédé et a laissé des biens en Tunisie.
Il semblerait que je n'ai pas le droit à en hériter que ce sont ses autres parents (ses frères et soeur) qui en héritent.
Est-ce bien vrai et que puis-je faire?
Je vous remercie d avance 👌
« Modifié: 28 mai 2018, 05:13:45 pm 17:13 par Jamal »

Jamal

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  • L'expérience, c'est le nom que chacun de nous donne à ses erreurs passées. Oscar Wide
Re : Succesion et reconnaissance de paternité
« Réponse #1 le: 26 mai 2018, 05:17:14 pm 17:17 »
Bonjour Madame.
Oui effectivement la question n’est pas tout à fait tranchée si l’on tient compte du droit non écrit, c.-à-d. du droit musulman que le législateur tunisien n’a pas tenu à introduire dans me code du statut personnel en 1958 et qui ne l’est toujours pas. Sinon, vous êtes l’héritière de votre père, l’unique héritière aussi en Tunisie. Il est possible qu’en tenant compte de ses biens qui ne sont pas situés en Tunisie qu'il y ait d’autres héritiers, mais là n’est pas la question. Revenons donc au droit tunisien et aux biens — immobiliers ou non — situés en Tunisie.
Dans notre réponse nous tenterons de ne pas faire de polémique notamment avec les tenants de l’application du droit islamique qui probablement chercheraient dans votre cas à dénoncer votre droit à l’héritage pour défaut de « mariage » tout en considérant que le « mariage » dont il s’agit est celui tel que défini dans le CSP et non le mariage islamique qui s’il suppose un contrat n’exige pas le formalisme du CSP, mais une simple « cohabitation » connue de tous.
Dons pour revenir au CSP, nous vous soumettons un extrait d’un ouvrage en cours de rédaction sur les successions qui au sujet de l’enfant naturel prévoit:
La filiation — autre que par le mariage — peut découler de l’aveu de l’auteur ou de l’aveu de l’enfant.
   Code du Statut Personnel (CSP), Art. 68 - :
Citer
« La filiation est établie... par l’aveu du père... »
   D’ailleurs, CSP, Art. 70 - :
Citer
« En cas de preuve péremptoire contraire, l’aveu est inopérant. La reconnaissance par un enfant de filiation inconnue de la filiation paternelle ou maternelle constitue une preuve de celle-ci, à condition que le père ou la mère reconnus soient susceptibles d’engendrer un enfant semblable à l’auteur de la reconnaissance et confirment la prétention de ce dernier qui devient ainsi vis-à-vis des parents reconnus objet d’obligation et sujets de droits. »

   La reconnaissance de paternité ou de maternité produit de plein droit ses effets entre l’enfant et les parents de son auteur (y compris donc le droit de succéder réciproquement). Elle n’est acquise que sous les réserves suivantes :
  •      l’enfant reconnu ne doit pas avoir un autre lien de parenté paternelle si l’auteur de l’aveu est un homme, maternelle si l’auteur de l’aveu est une femme,
  •    aucun signe digne de foi ne contredit la parenté
  •    le parent reconnu doit être susceptible d’engendrer le bénéficiaire de l’aveu, la différence d’âge par exemple doit être telle que l’un peut être le père de l’autre ; s’il s’agit d’une reconnaissance de filiation maternelle, la femme doit être en âge de concevoir à la date de la naissance présumée de l’enfant reconnu.
   À ces trois conditions s’ajoute, dans le droit musulman et non le CSP, une quatrième : la reconnaissance de paternité ne doit pas avoir pour effet de dissimuler une irrégularité, par exemple une liaison adultérine. Émanant du père ou de la mère, la reconnaissance s’impose à l’enfant. Votre conseil devrait donc s’attacher à exclure la prise en compte de cette condition tant sur la forme (dans la mesure où il arrive que le juge prenne en considération des dispositions du droit musulman non reprises dans le CSP) que sur le fonds, car, telle que vous décrivez les conditions de votre naissance il ne s’agit pas d’une liaison adultérine, mais d’une liaison qui a pu sur le plan formel ne pas respecter la forme du mariage telle qu’elle se pratique en Tunisie en application des dispositions du CSP).
     Vous indiquez en outre que le nom de votre père figure sur votre acte de naissance tunisien. Il est incompréhensible dans ce cas que vous ne figuriez pas sur l’acte de notoriété de décès établi par le juge auquel est soumise la requête pour son établissement. Il est aussi étrange que d’autres personnes que vous y figurent. Voici un lien concernant l’acte de notoriété de décès (Article 44 du CSP).
En conclusion, si vous tenez bon et si votre conseil est en mesure d’appréhender tous les volets, vous pourrez faire prévaloir vos droits sans aussi oublier que votre autre nationalité vous permettra également de faire application des conventions tuniso-françaises.
« Modifié: 26 mai 2018, 08:13:55 pm 20:13 par Jamal »
C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser. (De Montesquieu / De l’esprit des lois)

Re : Succesion et reconnaissance paternité
« Réponse #2 le: 26 mai 2018, 09:03:06 pm 21:03 »
Je vous remercie Jamal pour votre réponse bien détaillée.


naceur

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Re : Succesion et reconnaissance paternité
« Réponse #3 le: 27 mai 2018, 11:01:36 am 11:01 »
Dans le prolongement de la réponse de Jamal voici un extrait d'une article de Sana Ben Achour, « Le Code tunisien du statut personnel, 50 ans après : les dimensions de l’ambivalence  », L’Année du Maghreb, II | 2007, 55-70. C'est nous qui soulignons.

Citer
Il en est ainsi pour les « enfants nés hors mariage ». Catégorie générique, elle recouvre diverses réalités socio-juridiques « perturbatrices » de la filiation légitime: enfants nés d’un mariage ôrf ou d’un mariage vicié ou frappé de nullité (fasid ou batil), enfants naturels de père inconnu ou de mère célibataire, enfants de l’adultère ; cette catégorie pose le problème de la parenté sachant que « la rupture de la filiation paternelle exclut l’enfant de la parenté consanguine et abolit son droit aux aliments et à la succession » (art. 72 du CSP). La filiation est, selon les textes, établie « par la cohabitation », c’est-à-dire ici la communauté de lit (al firach, le mariage), ou l’aveu du père (al iqrar), ou le témoignage de deux ou plusieurs personnes honorables. On saisit dès lors l’enjeu que représentent les modes de preuve que la loi de 1998 sur l’attribution d’un nom patronymique aux enfants abandonnés a élargi aux actions en recherche de paternité avec possibilité de recours à l’examen génétique. Toutefois, malgré ces ouvertures législatives, le droit jurisprudentiel reste marqué par la défense de la famille légitime et de la « licéité » des rapports conjugaux. En atteste le débat judiciaire autour des modes d’établissement de la filiation en particulier autour de l’enfant de l’adultère. Relation délictuelle et de transgression de l’interdit moral et religieux, elle va, aux yeux de la jurisprudence dominante, jusqu’à priver l’enfant d’une filiation paternelle et cela parfois même en cas d’aveu de paternité du géniteur. Partant de l’idée que, selon l’article 68, il n’y a point de filiation pour l’enfant de l’adultère, la jurisprudence n’hésite pas à invoquer, non sans en détourner le champ d’application, le hadith du prophète selon lequel « le fils est issu du lit (al waladu lil firach) et au fornicateur la pierre ». La loi de 1998 a donné à la question de nouveaux rebondissements en ouvrant aux enfants « naturels » l’action en recherche de paternité au moyen de l’aveu, du témoignage ou de l’examen génétique. Cette loi, qui marque encore une fois le libéralisme du législateur comparé au conservatisme de la plus haute instance judiciaire (la cour de cassation) est, malgré ses avancées, porteuse d’ambiguïtés. Si elle attache à l’enfant naturel dont la filiation a été prouvée (alubuwa) le droit au nom patronymique du père (al laqab al aâily) ainsi qu’un droit à la pension, elle reste totalement silencieuse sur ses droits successoraux.
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