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Bonjour Salim,

Ce n’est plus un simple commentaire, mais une véritable analyse avec une pointe de malice.

Effectivement, comme tout marché, le marché parallèle des devises répond à un besoin et doit aboutir à neutraliser des déséquilibres.

Les acteurs du marché des changes qualifiés de délinquants parce que la loi a décidé d’en faire des délinquants en les désignant ainsi par des dispositions réglementaires rendent bien plus service au pays que ceux qui sont sensés le faire à travers une activité qu’ils ne sont plus libres de réaliser ou qu’ils réalisent à leurs dépens et au profit d’acteurs qu’il serait pénible de désigner.

Je suivrais avec le plus grand intérêt vos analyses, car, il est évident que le meilleur semble avoir été réservé pour la fin depuis que vous avez décidé de ne pas mettre en ligne votre commentaire global sur les objectifs désignés par le chef du gouvernement.

Bonne continuation.

Abdou
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Partage de successions / Re : Re : Retirer sa part d'héritage à la banque
« Dernier message par Jamal le 05 avril 2024, 10:00:33 am 10:00 »
Merci beaucoup pour la réponse très détaillée, cela m'aide énormement.
J'ai lu qu'il y a un délai de 10 ans pour réclamer un héritage.

Bonjour,
Franchement, je n'ai personnellement pas connaissance de ce délai.
Vous pouvez consulter cet échange au sujet des délais : https://www.jurisitetunisie.com/se/index.php?topic=266.msg778#msg778

Mes respects
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Partage de successions / Re : Retirer sa part d'héritage à la banque
« Dernier message par Sofiane le 04 avril 2024, 11:50:46 pm 23:50 »
Merci beaucoup pour la réponse très détaillée, cela m'aide énormement.
J'ai lu qu'il y a un délai de 10 ans pour réclamer un héritage. Une fois les 10 ans passes (à compter de la date de décès), l'Etat s'empare des biens (argent et biens immobiliers). Nous atteindrons les 10 ans dans le courant de l'année 2024. 
En supposant que la banque refuse de verser sa part d'héritage a mon frère lors de sa prochaine visite en Tunisie, que doit-on faire pour éviter que l'Etat ne s'empare de l'argent?
Et y-a-t-il de même une action que nous devons faire auprès des autorités pour éviter que l'Etat ne s'empare de la maison?
Je suis raisonablement optimiste pour l'argent dans le compte en banque mais régler la succession de la maison prendra du temps.
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Partage de successions / Re : Retirer sa part d'héritage à la banque
« Dernier message par Jamal le 03 avril 2024, 12:17:23 pm 12:17 »
Bonjour,

La succession de votre père va être partagée entre ses 2 fils dont vous-même, votre sœur, son épouse (votre mère), sa mère (votre grand-mère paternelle) et à concurrence de la part de son père (votre grand-père) entre ses héritiers (à savoir votre grand-mère, ses fils et ses filles càd vos oncles et tantes).

Dés lors que votre grand-père avait des enfants, vous n'héritez pas de la partie de la succession provenant du patrimoine de votre père (les disponibilités en compte et la maison). Par contre, vous allez avec votre sœur et votre frère hériter de la part qu'aurait obtenue votre père s'il avait survécu à votre grand-père. Cette part peut être supérieure ou inférieure à ce que vos oncles et tantes vont prélever dans la succession de votre père.

Le plus simple est traiter les deux successions simultanément et de trouver un accord de partage entre tous les héritiers compte tenu de l'existence de ces droits interdépendants.

La question se posera notamment pour l'immeuble.

L'intervention d'un professionnel est dans ce vivement souhaitable.

Cependant en cas d'urgence, il est possible en cas d'accord avec la banque de retirer la part de chacun au titre des disponibilités du compte et laisser pendante la part de votre grand-père qui de toute façon, en dehors de l'accord envisagé ci-dessus va revenir à ses héritiers. Pour le retrait de la somme correspondante, vous pourrez bien sûr donner un mandat à votre frère dûment enregistré au consulat de Tunisie de votre lieu de résidence. La seule obligation est que le dossier mis à la disposition de la banque soit complet c'est-à-dire qu'il comporte tous les extraits de naissance des personnes concernées à savoir:
1. Certificat de décès délivré par la municipalité sur présentation d’une déclaration de l’hôpital ou du médecin de famille.
2. Certificat d’hérédité par le juge cantonal désignant les personnes ayant la qualité d’héritiers. Les formalités et documents nécessaires : 2 témoins, copies des actes de naissances des héritiers, copies de l’acte de décès établi par la municipalité tunisienne.

Pour l'immeuble, il s'agit de modifier le titre de propriété afin d'y inscrire les nouveaux propriétaires. L'intervention d'un professionnel est quasiment requise dans ce cas. Pour ce qui est de la céder votre part d'héritage vous pourrez le faire une fois que vous aurez hérité car vous êtes un héritier obligatoire et nécessaire. Faire la cession de votre part dans l'immeuble avant que vous n'en soyez copropriétaire est vivement déconseillée.

Nos respects
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Partage de successions / Retirer sa part d'héritage à la banque
« Dernier message par Sofiane le 02 avril 2024, 10:32:24 pm 22:32 »
Bonjour,

Mon père est décédé il y a plusieurs années. Les héritiers de mon père au moment de son décès étaient mes grands-parents paternels, ma mère, mon frère, ma sœur et moi-même. Mon grand-père est décédé par la suite (alors que la question de la succession de mon père n’était toujours pas résolu. Depuis le décès de mon grand-père, les héritiers de l’héritage de mon père sont ma grand-mère, mes oncles et tantes (frères et sœurs de mon père), ma mère, mon frère et ma sœur.
L’héritage de mon père est constitué d’un compte en banque et d’une maison. Mon frère va se rendre en Tunisie dans peu de temps. Pourriez-vous m’eclairer sur les points suivants:

a)   Est-ce que mon frère peut récupérer sa part de l’héritage (calcule selon la loi tunisienne) lorsqu’il va se rendre à la banque ? Ou y-a-il besoin d’un accord de tous les héritiers avant que la banque ne puisse transférer sa part d’héritage a mon frère? Le document « hoja el wafat » a déjà été produit.
b)   Je souhaite céder ma part d’héritage a mon frère. Puis-je simplement aller au consulat de Tunisie a Paris pour faire légaliser une déclaration dans laquelle je cède ma part d’héritage ?

Pour être complet, tout le monde est tunisien excepté ma mère qui n’est pas tunisienne  mais est musulmane. Merci d'avance.
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Commentaire des textes et projets / Code des changes : 4. Mieux mobiliser les capitaux extérieur
« Dernier message par Salim1980 le 02 avril 2024, 08:10:59 pm 20:10 »
Source : Page officielle de la présidence du Gouvernement tunisien - 18 mars 2024

Bonjour,

Citer
Mieux mobiliser les capitaux extérieurs.

Tel est le quatrième objectif qu’assigne la présidence du gouvernement à la modification ou abrogation/remplacement du code des changes adopté par le conseil des ministres du 14 mars 2023.

Étonnant. Je m’interroge sur la nature de l’objectif ainsi assigné qui ne peut à mon sens que se rapporter aux possibilités dont pourraient bénéficier les entreprises résidentes à mobiliser des ressources d’emprunt sur les marchés financiers étrangers.

Les Investissements directs étrangers auxquels qu'on pourrait envisager ne sont pas considérés en tant que « capitaux extérieurs », car leur contenu est très diversifié et ne sont pas uniquement constitués de capitaux, du moins pour ce qui concerne la Tunisie et la nature des investissements directs qu’on y fait. Donc, nul besoin d’envisager pour cet objectif tel que libellé les IDE mais simplement les emprunts extérieurs.

S’agissant des emprunts des emprunts de l’État, une procédure particulière leur est appliquée. Donc, nul besoin de les envisager dans ce commentaire.

Ne sont utilement à considérer, pour notre sujet, que les emprunts extérieurs des entreprises résidentes. Or, voilà trente ans que les entreprises ont été autorisées à contracter des crédits extérieurs. En effet, le décret n° 93-1696 du 16 août 1993 a modifié le décret n° 77-608 du 21 janvier 1976 en y ajoutant un article 17 bis ainsi libellé :
Citer
Article 17 bis : Les entreprises résidentes sont autorisées à contracter des crédits extérieurs pour les besoins de leurs activités et dans les limites et les conditions qui sont fixées par circulaire de la Banque Centrale de Tunisie.
Les limites et les conditions des emprunts extérieurs des entreprises ont été fixées par la Banque centrale de Tunisie par sa circulaire n° 93-16 du 7 octobre 1993 modifiée à deux reprises ainsi que l’indique le site de la Banque centrale consulté ce jour.

Il semble cependant que selon la circulaire Circulaire aux intermédiaires agréés n° 2020-13 du 2 juin 2020 publiée au journal officiel de la République n° 56 du 16 juin 2020, la circulaire n° 93-16 du 7 octobre 1993 mentionnée sur le site de la BCT a été abrogée. Les nouvelles conditions et limites d’emprunt applicables aujourd’hui se présentent comme suit :

Montant plafond des emprunts pouvant être contractés sans autorisation de la BCT
(en Millions de dinars)
Durée de
  remboursement
12 mois au plus   Plus de 12 mois
  Cotées en bourse ou ayant une notation
OuiNon
Banques  25Néant30
Autres  105030
   
Il ressort ainsi que si mon interprétation de l’objectif est correcte — et il ne me semble pas qu’il y en ait une autre — une « meilleure mobilisation des capitaux extérieurs » ne peut figurer parmi les objectifs visés par le nouveau code des changes adopté par le conseil des ministres du 14 mars 2024, car, depuis 1993, les emprunts extérieurs ne sont plus soumis à une autorisation systématique de la Banque centrale de Tunisie ainsi qu’en dispose l’article 17 bis du décret 77-608 du 27 juillet 1977.
Par ailleurs, la Banque a, au cours des trente années qui ont suivi cette libéralisation, assoupli à trois reprises les conditions des emprunts qui peuvent être réalisés sans son autorisation. La meilleure mobilisation future des ressources extérieures qu’elle soit liée aux montants des plafonds des emprunts et leur relèvement ou liée à l’assouplissement des conditions ne relèvent actuellement que des attributions exclusives de la Banque.

S’exprimant lors d’un webinaire, organisé récemment par l’IACE, sur le thème «Est-ce que le nouveau code des changes répond aux aspirations des opérateurs économiques ?», Sonia Zoghlami, directrice générale au ministère des Finances, a informé l’assistance qu’il est prévu de supprimer le plafond du montant que les entreprises non cotées en bourse pourront mobiliser. (Source : La Presse.tn) Cette mesure relève des attributions de la Banque centrale et peut être introduite que le nouveau code des changes soit ou non adopté par l'Assemblée des Représentants du Peuple et si comme l'estiment les autorités, la mesure est bénéfique aux entreprises, et contribue à réduire les besoins en financements extérieurs de la Tunisie, il n'y a aucune raison d'attendre encore l'adoption du nouveau code des changes.
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Source : Page Facebook de la Présidence de la République de Tunisie

Le public a finalement été informé au sujet du déroulement de l’audit général des recrutements et des intégrations dans la fonction publique entre le 14 janvier 2011 et le 25 juillet 2021. Il n’est pas question de remise du rapport qui aurait dû avoir lieu le 21 mars 2024 selon les calculs de l’administrateur des forums, mais uniquement des difficultés qui ont émaillé les opérations d’audit, et ce, selon le communiqué de la Présidence de la République lu sur sa page Facebook.

C’est M. Imad Al-Hazqi, l’un des membres de la Commission ad hoc constituée afin de réaliser l’audit qu’a échu la charge d’informer Le Président de la République sur ces difficultés. M. Ahmed Hachani n’a donc pas assisté à l’entrevue.

En tout état de cause, il semble que l’opération n’a pas abouti en raison de la réticence des fonctionnaires a contribuer à la réalisation de l’audit puisque selon le communiqué le taux de défaut de réponse est de 40 %.

Ce taux est excessivement élevé et on peut d’ores et déjà conclure que l’audit n’a pu être finalisé, car le taux attendu de fraudes aux recrutements et de non-respects des conditions des concours et des fraudes et falsifications qui les ont émaillés d’après les commentaires des différents intervenants, ministres et ex-ministres est inférieur à ce taux et donc les défauts de réponse couvrent largement les cas des nouvelles fraudes.

D’autres solutions devraient peut-être prises, moins imposante et plus discrètes, elles devraient aussi faire appel à la délation. Rapidement, le dossier sera alors clos, nous semble-t-il. Mais cette solution pour autant qu’elle sera efficace rencontrera une forte opposition dans l’administration et ailleurs puisque les opportunistes du chaos ne chômeront pas.

La lutte contre la corruption n’est pas du tout aisée, en Tunisie comme ailleurs pas tant en raison du nombre de corrompus et de corrupteurs, mais en raison du nombre d’intrigants, manœuvriers et manipulateurs, en quête d’occasions pour se manifester et perturber toute action correctrice menée en recourant aux outils légaux.
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Commentaire des textes et projets / Re : Code des changes nouveau : propos de Abdeljelil Héni
« Dernier message par Abdou le 01 avril 2024, 06:22:33 pm 18:22 »

Citer
Il y a toujours la mainmise de la Banque centrale et des finances publiques sur les transactions financières et les paiements financiers entre la Tunisie et l’étranger. De plus, cette dernière doit intervenir dans toutes les transactions de change.

Apparemment, une logique est en train d’être poursuivie pour confier un contrôle total des relations financières avec l’Étranger à la Banque Centrale de Tunisie d’après ce que l’on peut conclure des propos du vice-président de la commission des finances de l’Assemblée des Représentants du Peuple et des propos du Président de la République lors de sa visite du siège de la banque le 8 septembre 2023 lorsqu’il a évoqué la cohérence de l’organisation de la banque avec son rôle et les fonctions de l’État.


Après recoupement, le Président de la République pourrait avoir évoqué dans ses propos, entre autres, la structure chargée de veiller sur la « Refonte de la Réglementation des changes » au sein de la banque selon son organigramme consulté ce jour.

Cette structure, à la lumière des observations de M. Abdeljalil al-Héni, se substituera au ministère des Finances pour préparer une fois que les députés auront attribué les pleins pouvoirs à la BCT, l’équivalent des avis de change, et préparer les circulaires d’application de la banque.

En fait, les promoteurs du projet de refonte du code des changes et la banque centrale ont calqué en partie l’organisation de la gestion des relations financières avec l’Étranger sur celle des fonctions et pouvoirs prévus par la Constitution de la Tunisie de 2022 comme le laisse suggérer la tentative de comparaison suivante :

Tunisie
BCT
Fonction exécutive– La Présidence du Gouvernement
– Le Gouvernement
– Le gouverneur et le vice-gouverneur
– Le Directeur général des opérations de change
Fonction législative- L’assemblée des représentants du peuple- La structure chargée de la gestion de la refonte de la réglementation des changes

Cette organisation semble réussir pour le pays pourquoi donc ne réussirait-elle pas pour la réglementation des changes ?
Il reste que pour cette dernière l’objectif est l’abolition totale de la réglementation alors que pour le pays c’est sa pérennité éternelle. Deux organisations comparables peuvent-elles dans ces conditions permettre d’obtenir des résultats diamétralement opposés?
Des freins apparaîtront naturellement au sein de la structure pour maintenir sa survie comme cela a été constaté dans l'office des changes français pour maintenir les restrictions par l'administration et les emplois ? Le plus souvent, cette réticence n’a pu être levée que par l’action des autorités politiques qui dans le projet de code tunisien cependant semblent s’être dessaisies de leur pouvoir au profit de la BCT au sein de laquelle les tensions pourraient alors apparaître pour freiner les assouplissements et maintenir les directions et cellules qui les gèrent en activité nonobstant l’action des syndicats.

En tout cas, il est souhaitable pour le pays que la réglementation des changes et son mode de gestion ne causent pas des « déséquilibres macro-économiques » dont il ne pourra se relever.

Bien sûr, la décision et la décision finale reste aux députés qui choisiront ou non cette vision si tant est que le projet commenté par M. Abdellatif al-Héni soit bien celui qui sera soumis à l’ARP par le Président de la République - si lui-même le valide déjà -  car, à ce jour le projet de code n’est pas parvenu à l'ARP et sa commission n’en a donc pas encore été saisi (Site de l'ARP consulté ce jour).
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Commentaire des textes et projets / Code des changes nouveau : propos de Abdeljelil Héni
« Dernier message par Yacin le 01 avril 2024, 11:21:14 am 11:21 »
Selon une déclaration faite le vendredi 22 mars, à UNIVERSNEWS, le vice-président de la Commission parlementaire des finances, Abdeljelil Héni a pu disposer de la version du nouveau code des changes encore sous embargo à ce jour et fait part de ses observations quant à son contenu.
Son témoignage dans ces conditions, est d'une importance primordiale vu le secret qui entoure encore le projet adopté par le conseil des ministres du 14 mars 2024.

En résumé, le député et vice-président de la commission parlementaire des finances considère que :
Citer
Le projet du nouveau code des changes est en deçà des attentes et ne porte pas des mesures révolutionnaires.

Citer
Il y a toujours la mainmise de la Banque centrale et des finances publiques sur les transactions financières et les paiements financiers entre la Tunisie et l’étranger. De plus, cette dernière doit intervenir dans toutes les transactions de change. 

Citer
Pas de gros changements mis à part quelques petites exceptions liées principalement à la mise en place de nouvelles définitions du terme « résidence »

Citer
« ... c’est la Banque centrale qui s’oppose à l’entrée de ces services [Paypal] en Tunisie (…) Elle veut mettre la main sur toutes les transactions liées à la devise. »
 

D'après UniversNews - 2024-03-25
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Source : Page officielle de la présidence du Gouvernement tunisien - 18 mars 2023

Citer
Éradiquer le marché de change parallèle.
Tel est le troisième objectif cité par la présidence du gouvernement pour la modification ou abrogation/remplacement du code des changes.

Est-ce un vœu pieux, un desideratum, un souhait… quand bien même dans ce cas on se demanderait pourquoi il figurerait officiellement parmi les objectifs recherchés pour modifier un texte de loi ?

Oui, c’est une ambition, un souhait et par conséquent, c’est aussi un non-sens, une incohérence, une inconsistance, une contradiction voire une absurdité que de considérer qu’il suffirait de « modifier » le dispositif légal sur lequel s’appuie les restrictions des échanges financiers avec l’étranger auxquelles sont exposés depuis quatre-vingt-dix ans les Tunisiens permettra d’éradiquer et faire disparaître le marché noir des devises.

Non, ce n’est pas une simple volonté, mais un réel et authentique objectif alors, très probablement, les concepteurs du projet de modification ont pu déterminer la — ou les — cause de l’existence en Tunisie, d’un marché informel de change et ont en conséquence, introduit les « modifications » des règles et des restrictions que jusqu’ici, toutefois, aucun chercheur économiste et aucune institution régionale ou internationale, malgré les dizaines d’études, de rapports, de thèses académiques et de travaux de cadres compétents des administrations sur le sujet, n’ont su identifier à notre connaissance.

Non, ce n’est pas un souhait complaisamment converti en un objectif solennel, si le conseil des ministres du 14 mars 2024 n’avait pas, comme indiqué dans le communiqué qui en est issu, « approuvé un projet de code des changes », mais avait purement et simplement abrogé la loi 76-18 du 21 janvier 1976 et ses textes d’application. Dans ce cas, sans aucun doute, le marché de change noir, informel, parallèle, illégal, irrégulier… n’aurait plus eu de raison d’être tant sur le plan de sa qualification juridique que dans la réalité économique. Le débat serait clos et plutôt que d’introduire ce propos, j’aurais analysé les bouleversements et la conflagration qu’allaient subir l’économie tunisienne non encore préparée à une telle abrogation de sa réglementation des changes, que d’ailleurs, les plus téméraires, imprudents et aventureux politiques et économistes n’ont jusqu’ici jamais envisagée.

En annonçant ainsi, ma conclusion selon laquelle c’est une utopie que de croire que le marché de change informel pourrait être éradiqué par une simple modification du code du change plutôt qu’une abrogation et simple, j’ai choisi un commentaire inversé. Je m’y prête souvent au plan académique ou professionnel par respect pour mes lecteurs qui ainsi seront libres de ne pas poursuivre leur lecture, car, ils entrevoient, s’ils ne les connaissaient déjà, les arguments et la démonstration qui ont conduit à ma conclusion. D’autres, plus curieux ou plus critiques s’attarderont davantage. Pour eux, je reprends ci-après quelques réflexions que les économistes et professionnels se rappelleront pour les avoir découverts sur les bancs de leur faculté, au gré de leurs lectures ou dans leur activité professionnelle.

Quelles caractéristiques du marché de change parallèle tunisien ?

L’activité du marché de change parallèle se pratique contre le « ban » , la réglementation, ses directives et ses rigidités et emprunte d’autres formes et « voies »  que celles prescrites par la loi. Un marché de change informel est un révélateur de l’inconsistance et les contradictions de la réglementation, son image symptomatique. J’y reviendrais, mais, un marché noir de devises porte-t-il vraiment à conséquence ? N’y a-t-il que des répercussions négatives sur l’économie et ses grands équilibres ?

Contrairement à ce que l’on rapporte souvent, parfois même des officiels de haut rang sans jamais pourtant que leurs propos ne soient étayés par des données statistiques, le marché de change ne joue pas contre les intérêts économiques et financiers de la Tunisie et des régions qu’il couvre. Faute de disponibilités de statistiques récentes disponibles auprès du public, il est impossible d’établir une démonstration rigoureuse et scientifique. Je me contenterais donc de conjectures pour me prêter aux critiques de ceux qui ont un meilleur accès aux données et l’espoir d’y accéder.

Dans quelle mesure les taux du marché parallèle s'écartent-ils des taux officiels ?

Au cours des dernières années, le recours au marché parallèle pour couvrir les frais de séjour et de voyage à l’étranger s’est resserré grâce à l’épargne des Tunisiens à l’Étranger et le recours à la technique de l’outgoing.

En effet, aujourd’hui avec près de 2 millions d’immigrés et leur nombre va croissant, les possibilités qu’ont les résidents de pouvoir compter à l’occasion de leurs déplacements à l’étranger sur l’épargne des immigrés là où se trouvent ces derniers sont bien plus importantes qu’il n’y paraît. Cette composante diffuse du marché parallèle est souvent ignorée et on ne tient compte que de la partie visible du marché parallèle, celui que tiennent les « cambistes » aux frontières où dans certains quartiers de la capitale. Les milliers voire millions de compensations interdites aujourd’hui — qui s’opèrent en cours d’années sont conclues le plus souvent à des taux proches de ceux qu’offrent les banques tunisiennes à la vente. Les contacts physiques entre les tunisiens voyageurs et les tunisiens travailleurs à l’étranger par ailleurs, ne sont plus toujours nécessaires, car, à leur arrivée, les voyageurs peuvent disposer de virements instantanés comme le permet la technique bancaire et des services de paiement à l’étranger. Pondérée par les masses en jeu, cette compensation ramène les taux de change du marché parallèle vers le taux officiel* neutralisant subséquemment les écarts avec les taux des marchés parallèles. Les tunisiens non-résidents peuvent ainsi selon l’importance relative de leurs épargnes disposer de dinars sans frais exorbitants payés aux services de transfert d’argent, aux banques locales et étrangères, etc., pour les soutiens qu’ils apportent à leurs familles restées en Tunisie et les investissements, souvent immobiliers qu’ils entreprennent.

La réduction du recours au marché parallèle a été permise indirectement suite au forcing de quelques agences de voyages qui dominent le marché et qui ont contraint à travers un puissant lobbying médiatique **  et le soutien de l’UGTT, la Banque Centrale à leur attribuer des autorisations de transfert de devises de plusieurs dizaines de millions de dinars annuellement, montants mécaniquement soustraits, au moins en partie, au marché parallèle. Sous la couverture légale des autorisations, les clients des agences concernées ont pu disposer de ressources en devises supplémentaires puisées sur les réserves du pays pour régler leurs frais de séjour, de transfert, de transport voire les frais de restauration et d’encadrement à travers des forfaits sans recourir au marché parallèle ni à la diaspora tunisienne. Ainsi pour ces clients privilégiés, l’allocation touristique de 6 000 dinars par an devient accessoire du fait de l’obtention via les agences de voyages d’une « allocation touristique supplémentaire » en contrepartie des commissions qu’ils acceptent de payer à l’agence de voyages qui in fine s’analyse en l’application d’un taux de change surélevé, mais qui permet de disposer légalement d’une allocation plus élevée que celle dont bénéficient les autres Tunisiens. L’outgoing est aussi, dans le cadre de la réglementation actuelle, un dispositif et une technique comparable à celle qu’offre le marché de change au noir, mais qui, ici, est couverte de la légalité que confère l’octroi des autorisations de transfert particulières aux agences de voyages.

Le marché parallèle est-il aussi dommageable à l'économie qu’on le prétend ?

Deux exemples.


Si l’on reprend avec Hamza Meddeb  l’historique du marché de change parallèle focalisé sur le dinar libyen, celui qui a pris le plus d’importance depuis qu’ont explosé les importations depuis la Libye au moment où les besoins des ménages pour les voyages se réduisaient et qui a probablement fait l’objet de plusieurs rapports des autorités, au plan macroéconomique et social, la Tunisie a bénéficié de gains certains des échanges sur le marché parallèle de dinars tunisiens contre dinars libyens puis contre toutes devises convertibles.

Le fonctionnement des échanges transfrontaliers et le marché de change informel qui y est adossé montrent que le change parallèle qui a permis de financer les importations de biens ayant bénéficié de la compensation en Libye puis de produits asiatiques à bas prix a été bénéfique à la Tunisie dans son ensemble et à la zone frontalière tuniso-libyenne, en particulier sur le plan social et de l’emploi. Les dinars libyens et autres devises convertis en dinars étaient celles dont étaient porteurs les voyageurs libyens qui nombreux à un certain moment visitaient la Tunisie pour des motifs touristiques puis pour des soins médicaux. La contrepartie des devises ainsi « soustraites aux banques » et captées par les sarafas étaient restituée à la Tunisie au titre des importations à des prix bien inférieurs à ceux du marché mondial de produits d’ailleurs libres à l’importation, mais qui empruntaient un circuit les exonérant du paiement des taxes de douanes et des frais bancaires ; circuit qui de toute façon aurait été emprunté avec ou sans conversion des devises sur le marché parallèle.

Mais, le plus important pour la Tunisie a consisté à ce que les gains réalisés en Libye par les fonctionnaires et autres intermédiaires libyens qui permettaient que des produits fortement subventionnés par le budget public libyen soient acheminés vers la Tunisie, puis que des produits asiatiques importés à bas prix par la Libye se retrouvent en Tunisie, ces gains étaient quasi totalement réinvestis par les Libyens en Tunisie auprès des banques tunisiennes qui si elles ne traitaient pas la partie change étaient comblées par les dépôts des libyens et expliquent l’installation de nombre de banques dans la zone de Ras Jedir au moment où le marché informel se développait. Le réinvestissement en Tunisie des gains obtenus en Libye a par ailleurs contribué à stabiliser le taux de change du dinar libyen sur le marché parallèle qui a ainsi assuré son maintien et son fonctionnement.

Sur un autre plan, l’ensemble des échanges transfrontaliers apportaient une forme de paix sociale à la région que les autorités ne pouvaient ignorer ou en faire peu de cas.

Un autre exemple que j’emprunte à Hassen Boubakri , « Le cas des costumes Makni » qui illustre l’opportunisme et la rationalité des Tunisiens — et de la Tunisie par voie de conséquence — à tirer profit des différentiels de taux de change que permet le marché informel des devises. La situation se présente très simplement : le taux officiel du dinar libyen était de un dinar libyen pour 2,7 dinars tunisiens. Le taux sur le marché parallèle est exactement l’inverse : un dinar tunisien permettait d’obtenir 2,7 dinars libyens. Makni, une illustre maison de confection qu’on ne présente pas, opérant dans le secteur du luxe, exportait vers la Libye des costumes au prix unitaire de 150 dinars l’unité soit approximativement le même prix que celui qu’elle affichait dans ses magasins de Tunis et ailleurs dont la première vitrine se trouvait à la rue Charles de Gaule. Dans les magasins d’État libyens, les costumes Makni étaient vendus à 60 dinars (libyens). Mettant à profit le taux appliqué sur le marché parallèle, des Tunisiens se rendent en Libye après avoir échangé — au noir sur le marché noir sans autorisation de la Banque centrale de Tunisie donnée à titre général ou particulier — des dinars tunisiens contre des dinars libyens obtenant ainsi en contrepartie de 22,2 dinars tunisiens, 60 dinars libyens. En échangeant 2 220 dinars, le Tunisien pouvait donc acquérir 100 costumes d’une valeur en Tunisie de 16 000 dinars qu’il ramenait en Tunisie pour les vendre à Souk Libya à Tataouine à raison de 35 dinars tunisiens l’unité réalisant ainsi un bénéfice de 35 - 22,2 = 12,8 dinars sur un produit qui se vendait à Tunis à 160 dinars soit 5 fois plus cher. Nul ne se faisait prier à Tataouine où accouraient des Tunisiens de tous les coins du pays pour se vêtir avec de luxe à bas prix. Makni, dont les ventes périclitaient à Tunis et ailleurs, s’empressa d’aller acheter tous les costumes en vente sur le marché de Tataouine à un prix plus cher, 40 dinars, que celui proposé par les commerçants-importateurs-échangeurs au noir. On ne sait pas si Makni a revendu aux Libyens les costumes qu’il a ainsi rachetés et si les commerçants sont allés les racheter et si…. Nul besoin d’un dessin pour illustrer combien les Tunisiens — individus et industries — ont, comme dans l’exemple Makni, gagné et la Tunisie également, grâce au marché de change parallèle tant décrié et en en violant les dispositions de la réglementation.

Ce ne sont que des exemples pour sensibiliser sur la nécessité d’évaluer l’impact du marché de change parallèle dans sa globalité plutôt que sur la base de concepts dogmatiques théoriques mettant l’accent sur les irrégularités au plan légal, fiscal et bancaire, un juridisme dépassé et à déconsidérer que ne cesse de rappeler aux autorités les organismes étrangers tels le FMI. Les autorités tunisiennes dans les exemples brièvement entrevus ont, à l’époque, su réagir pragmatiquement, elles qui ont laissé le dispositif se développer sans intervenir vraiment et l’ont ensuite laissé le marché parallèle centré sur e dinar libyen s’étendre à la Tunisie entière lorsque les besoins en devises pour financer les importations de marchandises à partir de la Libye puis de l’Algérie ont nécessité de collecter les devises disponibles dans les grandes villes et au-delà des zones frontalières et non plus celles dont étaient porteurs les voyageurs libyens dont le nombre avait considérablement diminué suite aux soubresauts et interférences géopolitiques.

Quelle illégalité d’un marché illégal ?
Comme dans le cas du dispositif mis en place pour les échanges transfrontaliers avec la Libye, le marché de change parallèle n’est qu’un maillon d’un microcosme économique et social constitué autour d’un environnement marqué par des dysfonctionnements et des déséquilibres, c’est une réponse, une réaction et non une finalité ou un objectif en soi.

Au meilleur, c’est une mise à profit rationnelle, souhaitée et souhaitable, économiquement et financièrement.

Au pire c’est un pis-aller.

Le marché parallèle n’est illégal — par construction qu’en raison des interdictions issues de la réglementation des changes tunisienne qui s’exercent dans un objectif totalement inversé de celui pour lequel le contrôle des changes a été instauré. Dans les exemples exposés, si la loi avait été strictement appliquée et les intervenants sanctionnés, c’est la Libye qui aurait protégé en fait grâce à la loi tunisienne, elle dont des ressources ont été réorientées vers la Tunisie — avec l’accord politique de ses gouvernants — et non le contraire comme le vise la réglementation des changes !!

C’est le paradoxe de la réglementation des changes en général — quand elle est appliquée dans les économies modernes mondialisées — et celle de la Tunisie en particulier qui figée comme elle l’est et l’a été s’applique aveuglément sans raison au point que le public qui n’a rien compris l’a ciblée avec raison et a déconsidéré les autorités chargées de son application.

Quelles mesures adopter pour réduire l’importance du marché de change informel ?

L’éradication du marché parallèle de change ne devrait jamais être, contrairement à ce que laisse supposer le communiqué de la Présidence du Gouvernement, un objectif en soi, car, autrement, le gouvernement fait le jeu des lobbys qui cherchent à multiplier les points de change « légaux », qu’on a appelés « bureaux de change », pour s’octroyer un pan significatif de l’activité monopolistique des banques et de l’office des postes et permettre de substituer aux box faits de tôle ondulée de la « Wall Street » de Ras Jedir et autres épiceries, une activité derrière des bureaux aux façades vitrées et climatisés, voire chercher à forcer le gouvernement à instaurer une zone franche où deviendraient légaux les échanges de devises et en excluant le dinar tunisien et sa symbolique, identité tunisienne, la valeur et la souveraineté de la Tunisie. Voilà où les lobbys et les intérêts particuliers mènerait le pays à coup de loi et réglementation taillées sur mesure comme pourrait s’y prêter le nouveau code des changes si des précautions n’étaient prises et si toute l’attention des responsables qui y ont collaboré n’était mise en éveil même après son adoption par le conseil des ministres du 14 mars 2024.

L’éradication du marché parallèle doit s’inscrire dans une démarche globale qui dépasse largement le cadre de la réglementation des relations financières avec l’Étranger, car l’avènement d’un marché de change parallèle comme celui de l’économie parallèle est une réponse aux déséquilibres macroéconomiques qu’exacerbe une législation obsolète et déconnectée des réalités, le code des changes en est le parfait exemple lui qui ne doit plus sa pérennité et sa résilience qu’aux insuffisances et déséquilibres budgétaires, des échanges avec l’extérieur, du marché de l’emploi.

Cette présentation sera étendue et probablement développée à la lecture du projet de code de change nouveau une fois l’embargo l’entourant jusqu’à ce jour, soit depuis plus de deux semaines, sera levé.


Postface
Pour ceux qui souhaitent approfondir le sujet que je n’ai fait que survoler en réaction à l’inscription en tant qu’objectif d’un amendement du code des changes, l’éradication du marché de change parallèle, je recommande ces lectures :

Réformes pour une économie durable et équitable — Contribution de la jeunesse sociale-démocrate/GSD-Génération Sociale Démocrate, Génération Avenir, Friedrich Ebert Stiftung ; Asma Jedidi [et 7 autres auteurs]. — [La Marsa] : Friedrich-Ebert-Stiftung, 2022. - 103 Seiten = 1,7 MB PDF-File. — Electronic ed. : Tunis : FES, 2022

BOUBAKRI, Hassen. Échanges transfrontaliers et commerce parallèle aux frontières tuniso-libyennes In : Maghreb, dimensions de la complexité : Études choisies de l’IRMC (1992-2003) [en ligne]. Tunis : Institut de recherche sur le Maghreb contemporain, 2004 (généré le 30 mars 2024). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/irmc/1591>. ISBN : 978-2-8218-5048-4. DOI : https://doi.org/10.4000/books.irmc.1591.

Meddeb, Hamza. Courir ou mourir : course à el khobza et domination au quotidien dans la Tunisie de Ben Ali. PhD diss., Paris, Institut d’études politiques, 2012.

« Le marché parallèle des changes en Algérie : L’incontournable unification pour soutenir la croissance économique — El watan.dz », consulté le 31 mars 2024, https://elwatan-dz.com/le-marche-parallele-des-changes-en-algerie-lincontournable-unification-pour-soutenir-la-croissance-economique.

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* Les taux officiels, bien sûr, ne sont pas les taux d’équilibre pour l’économie ni ne reflètent réellement le taux d’une saine confrontation de l’offre et de la demande de devises contre dinars et plus particulièrement en l’absence d’un marché de change parallèle. C’est une autre question cependant.

**   « Tourisme : L’Outgoing agonise à cause de la BCT », consulté le 31 mars 2024, https://www.businessnews.com.tn/tourisme--loutgoing-agonise-a-cause-de-la-bct,520,61034,3.
  admin, « Outgoing : la BCT tire le tapis sous les pieds des agences de », Tourisme, hôtels, voyages en Tunisie et ailleurs (blog), 16 juillet 2017, https://www.destinationtunisie.info/outgoing-bct-tire-tapis-pieds-agences-de-voyage/.
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