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Commentaire des textes et projets / Mieux aider les entreprises tunisiennes à s’internationaliser ...
« Dernier message par Salim1980 le Aujourd'hui à 04:53:39 am »Source : Freepik
Bonjour,
Désolé, j’ai pris plus de temps que je ne le prévoyais pour commenter ce 5e objectif de la modification/abrogation du code de change, assigné par le chef du gouvernement dans le communiqué qu’il a mis en ligne le 18 mars 2024 sur la page Facebook de son département. Je ne sais pas si le communiqué a été officialisé sur le site officiel de la présidence du gouvernement. Je n’ai pas eu le temps de le vérifier : Narcisse, désormais un ami, m’a contraint à trois digressions que l’on trouvera en ligne dans cette section des forums :
1. la légalité de la conversion en compte « Personne Physique Résidente » pour un ex-non résident de nationalité tunisienne dispensé de déclarer les avoirs à l’étranger qu’il a constitués sans aucun rapport avec sa situation en Tunisie :
2. la conformité à la réglementation des dispositions relatives aux transferts de devises pour le financement des investissements effectués à l’étranger par les titulaires des comptes de personnes physiques résidentes
3. le défaut de mise en application de la décision promulguée en 2019 par le ministère des Finances par la banque centrale autorisant les travailleurs tunisiens exerçant une activité professionnelle à l’étranger à disposer d’un compte en devises avant d’y avoir séjourné durant deux années :
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« Mieux aider les entreprises tunisiennes à s’internationaliser et à créer de la richesse »Comment faut-il comprendre cet objectif ?
- S’agit-il d’aider les entreprises tunisiennes à pouvoir mieux s’installer à l’étranger, renforcer leur présence hors de Tunisie et par voie de conséquence pouvoir davantage exporter des biens et des services, créer de la richesse en Tunisie ?
- S’agit-il d’aider les entreprises de s’affranchir des contraintes qu’impose encore la législation des changes et brident leurs efforts pour vendre davantage de biens et produits sans que pour autant il ne soit nécessaire qu’elles aient une présence physique à l’étranger ?
Tel qu’exprimé, l’objectif reste suffisamment vague et presque indéchiffrable pour être commenté comme je l’avais envisagé ; il relève peut-être du prosélytisme médiatique. Pourra-t-on facilement identifier ultérieurement dans le code de change nouveau, la marque de cet objectif ?
Mon commentaire sera donc aussi général que l’est la formulation de l’objectif et sera l’occasion de m’aborder au passage la réalité de la convertibilité courante du dinar tunisien. Et, dans la mesure où le Fonds Monétaire International définit les opérations courantes comme étant « les paiements qui n’ont pas pour objet les transferts de capitaux », j’examinerais un second les assouplissements introduits en matière de libération des opérations en capital — le lien sera indiqué ici quand le commentaire sera publié.
La convertibilité courante est-elle encore un frein à l’internationalisation des entreprises ?
Depuis 1993, aucune opération courante n’est officiellement soumise à restriction sur le plan change et en particulier les opérations liées au cycle de production des entreprises de biens et de services. Il reste cependant que des opérations à la frontière des transactions courantes qui peuvent être assimilées en cas d’abus à des transferts de capitaux font l’objet de mesure de précaution tels les transferts liés aux :
- frais de siège et d’assistance technique pour lesquels l’expérience en Tunisie et dans le monde a montré qu’ils pouvaient servir à la couverture d’une rémunération cachée du capital étranger aux dépens du capital local et couvraient des irrégularités et fraudes fiscales
- acomptes sur importation de biens et de services et en sens inverse, l’octroi de délais de règlements des exportations qui vont bien au-delà des pratiques commerciales régulières,
- opérations de certains groupes qui déclarent souhaiter optimiser l’allocation de leurs ressources en devises alors que la réglementation actuelle préconise l’individualisation des dossiers, des marchés, des clients et des fournisseurs.
Les autorités, jusqu’à présent, ont su leur réserver les réponses les plus appropriées, mais pourraient céder par lassitude. Un code de change revisité pourrait alors être l’occasion de marquer la reddition de l’administration que d’autres mesures masqueront. Attendons alors de le constater ou de l’infirmer quand la nouvelle législation sera divulguée.
Une convertibilité courante « sélective »
La convertibilité courante décrétée solennellement le 27 décembre 1992*, si elle respecte les canons du FMI qui ont permis à la Tunisie de figurer dans la liste des pays qui ont déclaré se soumettre aux dispositions de l’article VIII de ses statuts, reste encore sur le plan pratique une « convertibilité sélective » et onéreuse en raison des contraintes diverses de type « normatif » qui continuent à la caractériser et les coûts qu’elle occasionne aux tunisiens en général et aux professionnels et aux en entreprises en particulier.
Au titre des frais, par exemple, toute opération de change est sujette à des commissions bancaires pouvant atteindre jusqu’à 50 dinars chez certaines banques exclusivement dues au titre de l’application de la réglementation des changes : les banques mentionnent ces frais sous les rubriques « Titre de commerce extérieur » et « Demande F1, F2 ou F3 ». Ces commissions sont payables, quel que soit le montant de l’opération elle-même, et ce, en sus des autres frais bancaires habituels (frais sur virement, ouverture accréditive, remise, etc.) sur les millions d’opérations effectuées annuellement.
Sur un autre plan et toujours au titre des opérations courantes, il reste qu’on peut légitimement s’interroger qu’aujourd’hui on puisse encore trouver dans les textes d’application de la banque centrale et du ministère des Finances des dispositions telles celles-ci :
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Circulaire de la BCT n° 2016-08 du 30 décembre 2008 telle que modifiée par la circulaire aux I.A. n° 2020-03 du 04 février 2020, art 9 : Le montant de l’allocation pour voyages d’affaires « Autres Activités » est fixé à :Qui illustre une certaine complexité de la mise en œuvre de la législation et la nécessité de pouvoir jongler avec les «
- huit pour cent (8 %) du chiffre d’affaires hors-taxes de l’année précédente déclaré à l’administration fiscale avec un plafond de cinquante mille dinars (50 000D) par année civile, et ce, pour les activités citées aux numéros 1 à 25 de la liste objet de l’annexe n° 2 à la présente circulaire.
- Quatre cent mille dinars (400 000D) par année civile, et ce, pour l’activité citée au numéro 26 de la liste visée ci-dessus.
pourcentages plafonnés » et les séries d’activités et leur taxinomie
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Circulaire aux banques non-résidentes n° 86-05 du 25 février 1986— annexe I :Qui a des relents d’une ancienne économie communiste où l’on retenait par tout moyen, les devises dont sont porteurs les voyageurs non résidents.
Conservez les bordereaux d’échange de devises contre des dinars tunisiens en vue de reconvertir, le cas échéant, lors de votre départ, les dinars vous restant à concurrence de 30 % des devises cédées avec un maximum de 100 dinars.
Lorsque le séjour n’a pas dépassé 24 heures, la reconversion des dinars se fait sans limitation de pourcentage ni de montant.
Je terminerai cette première partie du commentaire « convertibilité courante du dinar » par une note optimiste, l’histoire de Lucie et Julie, deux grandes amies venues de la Slovénie admirer le beau soleil couchant sur les dunes de Kébili. Déambulant, sous un étoilé, dans le souk, elles s’éprennent l’une d’un petit tapis, l’autre d’un bouzouki aux courbes élégantes en bois finement patiné et de nacre incrusté. Après le marchandage d’usage, deux affaires furent conclues par le petit Ali qui remplaçait son père qui, à l’arrière-boutique, accomplissait à ce moment-là, comme tous les soirs sa prière surérogatoire, qiyyam al-layl. Au moment de payer, Julie et Lucie présentèrent presque au même instant à Ali, l’une, le tout nouveau billet de 50 dinars encore frémissant et l’autre l’ancien billet de 20 dinars dont quelques coupures circulaient encore. Or 20 dinars, était à un dinar prés le rendu qu’il devait à Julie et sans trop y penser il demanda gentiment à Lucie de les lui donner directement.
Ali, n’a pas lu l’avis de change n° 4 — lui qui très certainement en ignore l’existence même. L’avis prohibe l’opération qu’il venait innocemment de réaliser, une typique opération de compensation. Heureusement que le législateur prévenant et bienveillant l’a exceptionnellement autorisée « à titre général » :
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Avis de change n° 4 du ministre du Plan et des Finances relatif à l’exécution de paiement entre la Tunisie et l’étranger — Titre III. Dispositions générales — II — Opérations prohibéesJe reviendrais sur la convertibilité courante dans ma conclusion qui sera aussi mon treizième commentaire des objectifs assignés par le chef du gouvernement au nouveau code de change dans son communiqué du 18 mars 2024. Mais, d’ores et déjà, on notera que nul besoin de modifier le code des changes pour rendre effective la convertibilité courante et « aider à l’internationalisation des entreprises tunisiennes ».
Tout mode de règlement en devises ou en dinars autre que ceux visés aux titres I et II est subordonné à l’autorisation de la Banque Centrale de Tunisie. Il en est ainsi des règlements réalisés par voie de compensation et, notamment, des règlements opérés :
a)…
b) sous forme de remises de fonds, en billets de banque tunisiens…, faites par un non-résident…, agissant sur son ordre ou pour son compte :
— …
— … à un tiers, résident ou non-résident, désigné par le bénéficiaire.
Par exception à la règle visée à l’alinéa b), ci-dessus les touristes non-résidents qui ont acquis régulièrement en Tunisie des billets de banque tunisiens peuvent les utiliser dans la limite de leurs besoins personnels, pour le règlement de leurs frais de séjour en Tunisie.
Ce commentaire aura une suite comme je l’annonçais, elle portera sur les opérations en capital et leur impact sur l’internationalisation des entreprises tunisiennes et la création de la richesse
Alors à bientôt.
* La convertibilité courante du dinar a été annoncée par le président de la République, lors de son discours de clôture du débat budgétaire à la chambre des députés, le 27 décembre 1992 au lendemain de la nette reprise économique à la suite de la crise du Golfe au moment où le pays enregistrait simultanément une production agricole record, une augmentation importante des recettes du tourisme, de la production de pétrole et de phosphate et une amélioration du taux d’investissements aboutissant à un taux de croissante de 8,6 % contre 6 % prévue par le 8ème Plan (1991-1996) et une inflation de 5,5 % contre 8,2 % une année auparavant.