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Commentaire des textes et projets / Code des changes : freiner les flux financiers illicites.
« Dernier message par Salim+ le Aujourd'hui à 09:30:50 pm »Bonsoir,
Je poursuis l'examen des objectifs que la présidence du gouvernement à mentionner au sujet de la modification du code des changes et j'aborde aujourd'hui l'examen du second objectif.
Le second objectif est
« Illicites » est synonyme de illégaux, frauduleux, prohibés, illégitimes, interdits, proscrits, irréguliers, extra-légaux, défendus, etc.
Il y a de tout cela dans l’actuel Code des changes, mais, partir des définitions classiques et communes nous entraînerait dans un commentaire sentencieux et pédant, très éloigné de notre objet qui faut-il le rappeler, s’inscrit strictement et simplement dans le cadre de la prochaine mise à la disposition du public d’un projet de texte de loi portant amendement, abrogation, modification, etc., de l’actuel code des changes promulgué par la loi n° 76-18 du 21 janvier 1976, voilà bientôt un demi-siècle et qui a bénéficié d’une modification majeure en 1993. Ledit projet a été adopté par un conseil des ministres en date du 14 mars 2024, mais fait l’objet d’un embargo pour des motifs non encore portés à la connaissance du public, peut-être la simple traduction en langue arabe puisque la seule version fuitée — et paraît-il non conforme à la version adoptée — est en langue française.
Donc pour introduire ce commentaire et clore cette trop longue introduction, mieux vaut retenir la définition que donne le Fonds Monétaire Internationale :
Le code des changes en tant qu’instrument de lutte contre les transferts financiers illicites
Transposée à l’objectif que sous-tend la modification du code des changes, la définition que donne le FMI des transferts financiers illicites signifierait que les autorités tunisiennes viseraient désormais à travers sa modification à :
1. réduire les possibilités de génération de fonds issus de la corruption, de la contrebande, de l’économie parallèle, etc., qui in fine seraient importés et exportés de et vers la Tunisie,
2. réduire l’évasion fiscale qui érode la base d’imposition des recettes fiscales de l’État tunisien à travers, principalement, la conservation à l’étranger des bénéfices et revenus des investissements des résidents en dehors de la Tunisie ainsi qu’en sens inverse les entrées de capitaux illicites provenant de la fraude fiscale des étrangers qui seraient investis et déposés en Tunisie sans que réellement le pays n’en bénéficie autant que les avoirs tunisiens bénéficient aux pays étrangers et à leur économie
3. réduire les entrées de fonds pouvant financer des activités liées au terrorisme et assimilées en Tunisie.
Les objectifs ultimes de la lutte internationale contre les transferts financiers illicites, ainsi définis et extrapolés au contexte et à l’environnement tunisien sont considérables.
Ces objectifs sont poursuivis par un grand nombre de pays qui à la différence de la Tunisie, ne disposent d’un instrument de contrôle aussi puissant – en théorie -que le contrôle des changes et son code. Tous ces autres pays, pour la plupart des pays ex-colonisateurs, ont très sensiblement assoupli leur réglementation des changes au sortir de la guerre et de la fin du Plan Marshall qui les a soutenus à la différence des pays ex-colonisés abandonnés . Mais même parmi ces autres pays, rares sont ceux qui ont complètement démantelé leur contrôle des changes.
En Tunisie, le contrôle des changes a été et est resté fortement accolé à des considérations économiques et à la protection des ressources et avoirs du pays, c’est-à-dire aux considérations qui ont veillé à son instauration en 1939 en Tunisie et ailleurs. Rares, voire inexistantes sinon limitées, ont été les initiatives prises en Tunisie pour utiliser le contrôle des changes à d’autres fins que celui pour lequel il a été instauré sinon à protéger une économie de rente naissante. La récente circulaire prise par le nouveau gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie de soumettre à communication les transferts reçus au profit des associations — circulaire n° 7 du 11 mars 2024 — n’aurait jamais pu être prise en l’absence de l’assise juridique que lui conférait l’existence et l’application en Tunisie d’un contrôle des changes primaire. Cette initiative reste cependant marginale, très marginale au regard des moyens et du dispositif mis en place en Tunisie au niveau du système postal et bancaire pour la communication relative aux échanges financiers transnationaux, édifice qui tombe progressivement en désuétude.
Gageons que la mention par la Présidence de la République d’un objectif de limitation des transferts financiers illicites parmi les objectifs assignés à la modification du code des changes procède de cette démarche sainement opportune de mettre à profit le dispositif du contrôle des changes pour lutter contre un fléau international que peinent tous les pays du monde à endiguer et qui à grands frais et création de comités, organisations et normes dont le coût n’est souvent pas évalué (GAFI : Groupe d’action financière sur le blanchiment des capitaux, le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales [OCDE], BEPS : Base erosion and profit shifting (OEDC/G20)) mettent en place. Leur entreprise vise en fait à asseoir un dispositif comparable à celui du contrôle des changes, mais qui ne dit pas son nom et qu’en aucun cas, pour des raisons d’abord dogmatiques, ils ne reconnaîtront.
Le contrôle de l’application du contrôle des changes
Au-delà de cette vision contemporaine et actuelle, il reste qu’un transfert financier illicite est aussi un transfert extra-légal, c’est—à-dire effectué en infraction aux dispositions du code des changes et de ses textes d’application. Fixer un objectif de réduction des transferts financiers illicites est, dans ces conditions, une reconnaissance de la présidence du Gouvernement, de l’insuffisance des contrôles et leur carence à intercepter et bloquer ces transferts. Mais au fait qui donc, aujourd’hui et hier, procède aux transferts licites et illicites dans le régime des paiements extérieurs de la Tunisie ? Ils sont au nombre de trois :
- la Banque centrale de Tunisie pour les transferts qu’elle réalise pour le compte des banques, de l’office des postes et le gouvernement et le trésor tunisiens,
- les banques et l’office des postes pour leur comptes et le compte de leur clientèle.
Techniquement, il est impossible qu’un transfert financier de devises ayant pour contrepartie des dinars tunisiens puisse être effectué sans l’intervention de ces trois acteurs. Aussi, si des transferts illicites ont été effectués et la présidence du Gouvernement le reconnaît puisqu’elle cherche à les « freiner », une défaillance des dispositifs de contrôle au sein de ces trois entités et des contrôleurs qui les « supervisent » est officiellement reconnue.
Il reste donc à espérer que les modifications apportées au code des changes dans le projet qui a été adopté par le conseil des ministres du 14 mars 2024 aient pris en considération l’insuffisance des dispositifs de contrôle au sein des entités autorisés à des transferts de devises et de l’insuffisance du contrôle des contrôleurs, s’il en est, et des fausses assurances que peuvent donner les contrôleurs ou leur existence.
Rendre licite l’illicite
Atteindre l’objectif assigné en matière de réduction des flux financiers illicites consiste aussi, très simplement, à réduire la « liste des opérations illicites aujourd’hui » c’est-à-dire changer le statut de ces opérations d’interdites, prohibées, soumises à autorisation, etc. au statut d’opérations libres et libérées.
Conclusion
L’examen du projet de code des changes adopté permettra d’apprécier dans quelle mesure les trois déclinaisons de la mise en œuvre du second objectif assigné à la modification du code des changes auront été envisagés et appliqués.
Sur la base de cet examen attendu dés la levée de l’embargo qui affecte le projet de code des changes nouveau adopté, ce commentaire sera approfondi davantage, car, on ne doute pas des difficultés de l’entreprise et surtout des insuffisances que cette mise en œuvre va engendrer au point que des difficultés nouvelles puissent naître et annihiler les avantages futurs supposés par de nouvelles carences, déficiences et incomplétudes.
Je poursuis l'examen des objectifs que la présidence du gouvernement à mentionner au sujet de la modification du code des changes et j'aborde aujourd'hui l'examen du second objectif.
Le second objectif est
Citer
Freiner les flux financiers illicites
« Illicites » est synonyme de illégaux, frauduleux, prohibés, illégitimes, interdits, proscrits, irréguliers, extra-légaux, défendus, etc.
Il y a de tout cela dans l’actuel Code des changes, mais, partir des définitions classiques et communes nous entraînerait dans un commentaire sentencieux et pédant, très éloigné de notre objet qui faut-il le rappeler, s’inscrit strictement et simplement dans le cadre de la prochaine mise à la disposition du public d’un projet de texte de loi portant amendement, abrogation, modification, etc., de l’actuel code des changes promulgué par la loi n° 76-18 du 21 janvier 1976, voilà bientôt un demi-siècle et qui a bénéficié d’une modification majeure en 1993. Ledit projet a été adopté par un conseil des ministres en date du 14 mars 2024, mais fait l’objet d’un embargo pour des motifs non encore portés à la connaissance du public, peut-être la simple traduction en langue arabe puisque la seule version fuitée — et paraît-il non conforme à la version adoptée — est en langue française.
Donc pour introduire ce commentaire et clore cette trop longue introduction, mieux vaut retenir la définition que donne le Fonds Monétaire Internationale :
Citer
Les flux financiers illicites désignent les mouvements transfrontaliers de fonds qui sont gagnés (corruption, contrebande…), transférés (fraude fiscale…) et/ou utilisés (financement du terrorisme…) de manière illégale .
Le code des changes en tant qu’instrument de lutte contre les transferts financiers illicites
Transposée à l’objectif que sous-tend la modification du code des changes, la définition que donne le FMI des transferts financiers illicites signifierait que les autorités tunisiennes viseraient désormais à travers sa modification à :
1. réduire les possibilités de génération de fonds issus de la corruption, de la contrebande, de l’économie parallèle, etc., qui in fine seraient importés et exportés de et vers la Tunisie,
2. réduire l’évasion fiscale qui érode la base d’imposition des recettes fiscales de l’État tunisien à travers, principalement, la conservation à l’étranger des bénéfices et revenus des investissements des résidents en dehors de la Tunisie ainsi qu’en sens inverse les entrées de capitaux illicites provenant de la fraude fiscale des étrangers qui seraient investis et déposés en Tunisie sans que réellement le pays n’en bénéficie autant que les avoirs tunisiens bénéficient aux pays étrangers et à leur économie
3. réduire les entrées de fonds pouvant financer des activités liées au terrorisme et assimilées en Tunisie.
Les objectifs ultimes de la lutte internationale contre les transferts financiers illicites, ainsi définis et extrapolés au contexte et à l’environnement tunisien sont considérables.
Ces objectifs sont poursuivis par un grand nombre de pays qui à la différence de la Tunisie, ne disposent d’un instrument de contrôle aussi puissant – en théorie -que le contrôle des changes et son code. Tous ces autres pays, pour la plupart des pays ex-colonisateurs, ont très sensiblement assoupli leur réglementation des changes au sortir de la guerre et de la fin du Plan Marshall qui les a soutenus à la différence des pays ex-colonisés abandonnés . Mais même parmi ces autres pays, rares sont ceux qui ont complètement démantelé leur contrôle des changes.
En Tunisie, le contrôle des changes a été et est resté fortement accolé à des considérations économiques et à la protection des ressources et avoirs du pays, c’est-à-dire aux considérations qui ont veillé à son instauration en 1939 en Tunisie et ailleurs. Rares, voire inexistantes sinon limitées, ont été les initiatives prises en Tunisie pour utiliser le contrôle des changes à d’autres fins que celui pour lequel il a été instauré sinon à protéger une économie de rente naissante. La récente circulaire prise par le nouveau gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie de soumettre à communication les transferts reçus au profit des associations — circulaire n° 7 du 11 mars 2024 — n’aurait jamais pu être prise en l’absence de l’assise juridique que lui conférait l’existence et l’application en Tunisie d’un contrôle des changes primaire. Cette initiative reste cependant marginale, très marginale au regard des moyens et du dispositif mis en place en Tunisie au niveau du système postal et bancaire pour la communication relative aux échanges financiers transnationaux, édifice qui tombe progressivement en désuétude.
Gageons que la mention par la Présidence de la République d’un objectif de limitation des transferts financiers illicites parmi les objectifs assignés à la modification du code des changes procède de cette démarche sainement opportune de mettre à profit le dispositif du contrôle des changes pour lutter contre un fléau international que peinent tous les pays du monde à endiguer et qui à grands frais et création de comités, organisations et normes dont le coût n’est souvent pas évalué (GAFI : Groupe d’action financière sur le blanchiment des capitaux, le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales [OCDE], BEPS : Base erosion and profit shifting (OEDC/G20)) mettent en place. Leur entreprise vise en fait à asseoir un dispositif comparable à celui du contrôle des changes, mais qui ne dit pas son nom et qu’en aucun cas, pour des raisons d’abord dogmatiques, ils ne reconnaîtront.
Le contrôle de l’application du contrôle des changes
Au-delà de cette vision contemporaine et actuelle, il reste qu’un transfert financier illicite est aussi un transfert extra-légal, c’est—à-dire effectué en infraction aux dispositions du code des changes et de ses textes d’application. Fixer un objectif de réduction des transferts financiers illicites est, dans ces conditions, une reconnaissance de la présidence du Gouvernement, de l’insuffisance des contrôles et leur carence à intercepter et bloquer ces transferts. Mais au fait qui donc, aujourd’hui et hier, procède aux transferts licites et illicites dans le régime des paiements extérieurs de la Tunisie ? Ils sont au nombre de trois :
- la Banque centrale de Tunisie pour les transferts qu’elle réalise pour le compte des banques, de l’office des postes et le gouvernement et le trésor tunisiens,
- les banques et l’office des postes pour leur comptes et le compte de leur clientèle.
Techniquement, il est impossible qu’un transfert financier de devises ayant pour contrepartie des dinars tunisiens puisse être effectué sans l’intervention de ces trois acteurs. Aussi, si des transferts illicites ont été effectués et la présidence du Gouvernement le reconnaît puisqu’elle cherche à les « freiner », une défaillance des dispositifs de contrôle au sein de ces trois entités et des contrôleurs qui les « supervisent » est officiellement reconnue.
Il reste donc à espérer que les modifications apportées au code des changes dans le projet qui a été adopté par le conseil des ministres du 14 mars 2024 aient pris en considération l’insuffisance des dispositifs de contrôle au sein des entités autorisés à des transferts de devises et de l’insuffisance du contrôle des contrôleurs, s’il en est, et des fausses assurances que peuvent donner les contrôleurs ou leur existence.
Rendre licite l’illicite
Atteindre l’objectif assigné en matière de réduction des flux financiers illicites consiste aussi, très simplement, à réduire la « liste des opérations illicites aujourd’hui » c’est-à-dire changer le statut de ces opérations d’interdites, prohibées, soumises à autorisation, etc. au statut d’opérations libres et libérées.
Conclusion
L’examen du projet de code des changes adopté permettra d’apprécier dans quelle mesure les trois déclinaisons de la mise en œuvre du second objectif assigné à la modification du code des changes auront été envisagés et appliqués.
Sur la base de cet examen attendu dés la levée de l’embargo qui affecte le projet de code des changes nouveau adopté, ce commentaire sera approfondi davantage, car, on ne doute pas des difficultés de l’entreprise et surtout des insuffisances que cette mise en œuvre va engendrer au point que des difficultés nouvelles puissent naître et annihiler les avantages futurs supposés par de nouvelles carences, déficiences et incomplétudes.