Comme il fallait s’y attendre, malgré un contenu vide et aucun apport réglementaire, la fameuse
note d’information de la Banque Centrale de Tunisie du 23 janvier 2025 a semble-t-il alerté l’
Ordre des experts-comptables de Tunisie (OECT) au sujet de la réduction obligatoire des taux d’intérêts des prêts visés par l’
article 412 ter (nouveau), alinéa 2, du Code de commerce. L’Ordre a donc réuni son conclave — ou plus précisément sa Commission des normes — les 5 et 12 février 2025 afin d’examiner «
l’impact de la mesure sur les états financiers des banques au titre de l’exercice 2024 et, le cas échéant, sur l’opinion des auditeurs sur les dits états ».
Ainsi, peut-on relever d’ores et déjà que :
• l’Ordre ne s’est pas réuni au sujet de l’
impact financier de la mesure comme a pu le faire l’
agence Fitch Rating, mais uniquement sur l’
impact sur les états financiers c’est-à-dire sur sa concrétisation au niveau de la représentation des comptes et de la situation financière
• L’évaluation est limitée à l’impact sur l’exercice comptable 2024
• Le cas échéant, car il n’est pas certain encore de l’impact, l’Ordre a examiné lors de ses réunions la répercussion de la mesure sur l’opinion des auditeurs non sur la situation des banques, mais sur lesdits états comme il s’est empressé de le préciser.
Tout le monde ainsi, prend ses précautions et pèse ses mots, l’Ordre, doublement expert en la matière, ne faillit pas la règle et choisi son rôle et la nature des opinions qu’il émet non sur la mesure, mais sur son impact sur « les états financiers ».
Ceci étant précisé, la note émise par l’Ordre, la «
Tunisian Assurance Practice Statements 9003 — Version 1.0 Mars 2025 » à destination de ses membres et non à destination du public faut-il le préciser, comporte un inventaire des textes légaux et réglementaires régissant l’intervention des commissaires aux comptes depuis la loi n° 96-112 du 20 décembre 1996 aux normes comptables tunisiennes et internationales de référence.
Pour les banques, compte tenu de leurs pratiques et de leurs choix commerciaux enregistreront, les répercussions seront différentes et l’Ordre ne pouvait donc qu’émettre des recommandations à titre général laissant le soin à chaque commissaire aux comptes selon leur jugement professionnel d’inclure ou non un paragraphe d’observation sur la question dans leur rapport d’audit.
Au niveau des
traitements comptables, l’application des textes en vigueur — légaux et normatifs — ne nécessite
aucune modification des méthodes actuellement appliquées. L’Ordre dans sa note même s’il reprend dans ses conclusions le mode d’enregistrement des déblocages des crédits et des intérêts encaissés n’innove en rien.
Par contre, au niveau des
notes aux états financiers, une recommandation pertinente est formulée afin d’y inclure les informations relatives au :
1.
Volume des crédits éligibles ayant fait l’objet de demandes de réduction de taux au cours de l’exercice 2024, et l’impact de leur traitement sur les revenus dudit exercice
sachant que pour les demandes de réajustement des intérêts déposés avant le 31 décembre 2024 et que les banques ont ignorées et pour lesquels des revenus ont été indûment constatés sur la base des taux d’intérêt initiaux doivent être réajustés et donc restitués aux emprunteurs jusqu’ici lésés2.
Volume global des crédits éligibles pouvant, le cas échéant, faire l’objet de demandes de réduction de taux et l’estimation de leur impact éventuel sur la rentabilité future de la banque sur la base des informations disponibles à la date d’arrêté des états financiers
Accessoirement — à notre avis même si l’Ordre ne le prévoit ainsi — l’insertion au niveau des notes aux états financiers de «
toute note, tableau explicatif ou information pertinente permettant d’attirer l’attention des utilisateurs des états financiers sur l’impact significatif de cette mesure sur les résultats futurs et la situation de la banque. »
Ce que la note de l’OECT ne dit pas, mais que l’on pouvait entrevoir entre les lignes est que l’ordre conteste, à bas bruit,
l’état de la réglementation encore en vigueur en Tunisie et qui ne permet pas réellement de matérialiser au niveaux des états financiers — et pas seulement au niveau des notes aux états financiers — l’impact de la mesure de réduction obligatoire des taux d’intérêts des prêts visés par l’alinéa 2 de l’article 412 ter (nouveau) du Code de commerce.
Nul doute que ne serait-ce que par opportunisme, l’un ou l’autre membre de l’OECT, sur un plateau TV ou une radio ne relève à l’occasion de la modification du Code de commerce que les règles comptables en vigueur ne permettent pas d’apprécier par anticipation l’impact de la mesure et qu’il faudrait « aligner la Tunisie sur l’Étranger » même en matière de comptabilité.
Remarquons pour terminer, que l'Ordre n'émet aucune observation sur la pertinence de la mesure elle-même. Peut-être qu'ainsi, il s'efface devant la Banque Centrale qui, elle aussi a simplement rappeler que devant la loi on ne pouvait que s'incliner et l'appliquer.
On entend donc encore l'analyse de Salim au sujet de l'absurdité de la mesure qui décrit comme étant la "
bêtise juridique de l'année 2024"