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Comptes en devises LF 2025: quelle légalité au regard de la politique monétaire?

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Comptes en devises Loi 2025 : quelle légalité au regard de la politique monétaire ?

L’alimentation des « comptes en devises — Loi de Finances 2025 » nécessite la conversion de dinars en devises, c’est-à-dire l’achat de devises.

En simplifiant et en esquivant les méandres de la réglementation du marché des changes tunisien où tous ses acteurs vendent et achètent des devises et les échangent contre elles les devises étrangères sont fournies en dernier ressort par la Banque centrale de Tunisie qui selon ses nouveaux statuts détient les devises du pays (Loi 2016-35. art. 8, para. 1, al. 2.).

La Banque centrale de Tunisie, selon ses statuts, ne peut acheter et vendre des devises contre dinars qu’exclusivement dans le cadre de la mise en œuvre de la politique monétaire (Loi 2016-35, art. 11, al. 2) et ce, selon les modalités et conditions fixées par son conseil d’administration, (Loi 2016-35, art. 10, al. 1) lequel ne pourra définir la politique monétaire qu’en vue de maintenir la stabilité des prix (Loi 2016-35, art. 7, para 1.) et ce, dans tous les cas, en coordination avec la politique économique de l’État (Loi 2016-35, art. 7, para 1.).

L’obligation qui sera faite à la Banque centrale par la loi de finances pour l’année 2025 de vendre des devises à toute personne physique tunisienne résidente parmi les 12 millions que compte le pays, à concurrence, aujourd’hui, de 6 000 dinars s’il est âgé de 10 ans ou plus et de 3000 dinars sinon, n’a aucun rapport avec la définition de la politique monétaire ni n’est liée à des considérations économiques et financières ni même à de réelles opérations avec l’Étranger puisque la finalité première de la proposition législative est de permettre avant tout, à tout Tunisien de disposer, sans limitation de montant ou de plafond, de devises déposées dans un compte en Tunisie au même titre que les dinars dont il dispose dans son compte.

Cette obligation de détruire des dinars contre l’émission de devises étrangères en compte en Tunisie est absolument contraire aux statuts actuels de la Banque centrale de Tunisie — et de toute banque centrale dans le monde d’ailleurs — et s’oppose à la mission principale de la Banque centrale qui lui est confiée à savoir : maintenir la stabilité des prix
(sous-entendu « prix intérieurs » selon la rédaction actuelle de l’objectif dans la loi 2016-35 qui a remplacé la loi 58-90 du 19 septembre 1958 qui a prévu entre 1988 et 2006 que la Banque centrale avait pour mission de défendre aussi la valeur du dinar en sus de la stabilité des prix, Loi 58-90 du 19 septembre 1958, art. 33 tel que modifié par la loi 88-119 du 3 novembre 1988 et avant sa modification de nouveau par la loi 2006-26 du 15 mai 2006).

La pression sur la demande intérieure de dinars par ceux - des millions d'individus potentiellement - qui ont et n’ont pas les dinars de leur allocation touristique et vont placer leur épargne et/ou emprunter pour pouvoir acheter des devises qu’ils vont placer dans les comptes en devises ouverts en vue de les thésauriser, spéculer ou placer ultérieurement leurs avoirs à l’étranger en de simples et pures opérations en capital compliquera voire, sans exagération, rendra impossible la direction de toute opération de politique monétaire centrée sur le dinar tunisien.

Bien sûr dans cette situation certains sauront mieux que d'autres tirer avantage de la modification de la nature des excédents financiers monétaires disponibles auprès de la banque centrale de Tunisie et des banques locales tels le Trésor tunisien qui a su  adapter - ou précéder - la réglementation pour emprunter en Tunisie dont la monnaie n'est pas convertible, des devises étrangères, un jeu d’écritures où des experts conciliants ont eu l’occasion d’avoir pignon sur rue. Artificielle n'est pas l’intelligence seule, les finances virtuelles aussi.

Je laisse le soin à ceux qui le souhaitent et le peuvent, d’approfondir la question et de développer plus sérieusement le raisonnement économique — tout à fait classique d’ailleurs — pour démontrer les répercussions prévisibles sur les taux d’intérêt locaux et la gestion de la politique monétaire, le financement de l’économie réelle et du budget ainsi que sur le financement de l’accroissement du déficit réel de la balance des paiements. Je m’en tiendrais pour ma part à une simple évocation des répercussions au plan légal de la proposition des députés de la Commission du budget de l’ARP et son incohérence légale avec les textes en vigueur et notamment les textes régissant la Banque centrale en laissant de côté ceux liés à la réglementation des opérations financières, le code des changes… dans ce commentaire.


A suivre…
« Modifié: 27 novembre 2024, 12:12:22 pm 12:12 par Jamal »


 

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