L'admin du site avait, il y a longtemps, dénoncé la suppression du discours du Gouverneur de la Banque centrale de Tunisie tenue au mois de mai 2001 au sujet de la convertibilité courante du dinar.
Par hasard, j'ai retrouvé ce discours grâce aux archives de l'Internet qui gracieusement - pro bono publico - permet parfois de retrouver des publications aujourd'hui disparues.
Pour ceux qui l'ignore ou l'aurait oublié, en 2001 au mois de mai, c'est M. Mohamed Daouas qui était le Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie et voici une synthèse de son discours récupéré auprès de
Wayback Machine, concis et instructif comme savent le faire les universitaires :
LA CONVERTIBILTE TOTALE DU DINAR
Présidant la séance d’ouverture du Forum International de la revue l'Economiste Maghrébin organisé le 24 mai 2001 autour du thème "La convertibilité totale du dinar", le Gouverneur de la BCT a noté en liminaire que l’instauration de la convertibilité du dinar a sans cesse constitué un objectif des pouvoirs publics et que les multiples réformes structurelles mises en œuvre depuis le changement, marquées par le renforcement du processus de libéralisation, de privatisation et d'intégration à l'économie mondiale, ont permis à la Tunisie d'accomplir de remarquables performances dans les domaines économique et social et de franchir d'importantes étapes sur cette voie.
Le Gouverneur a, dans ce contexte, notamment rappelé que le processus de libéralisation et de restructuration de l'économie, engagé depuis 1987, a
abouti en 1992 à la consécration de la convertibilité courante du dinar, permettant ainsi notamment aux entreprises résidentes, de réaliser librement tout
transfert lié à leurs importations de biens et de services. Elles ont été alignées, sur ce plan, aux entreprises totalement exportatrices qui, déjà depuis 1972,
bénéficient d'une liberté totale de change pour toutes les opérations inhérentes à leurs activités de production.
Mais au delà des opérations courantes, ce processus, a-t-il poursuivi, s'est accompagné d'un train de mesures libérales visant les opérations en capital. En
témoigne d'abord la liberté donnée aux entreprises résidentes partiellement ou totalement exportatrices d'investir à l'étranger en vue de soutenir leurs efforts
d'exportation, ainsi que la liberté donnée aux banques et aux entreprises de contracter des emprunts en devises. En témoigne également la possibilité offerte
aux étrangers d'investir librement dans le secteur productif et de prendre des participations en portefeuille dans les entreprises tunisiennes, avec le bénéfice
de la garantie de transfert accordée par la loi au titre du capital investi et des plus-values.
Après avoir mis en relief les mérites de la convertibilité totale, le Gouverneur a précisé que celle ci ne présente pas que des avantages, notant que les entrées de capitaux, quand elles sont importantes ou disproportionnées par rapport à la capacité d'absorption de l'économie, risquent de favoriser l'expansion excessive du crédit, d'apprécier le taux de change réel, d'intensifier les pressions inflationnistes et de concourir aux gonflements de bulles sur les marchés boursier et immobilier. C’est ainsi que les autorités monétaires internationales ont adopté ouvertement, et suite à la répétition des crises financières ces dernières années, une nouvelle vision sur la libéralisation du compte capital, pour retenir une approche plutôt graduelle et avisée. Dans ce contexte, a-t-il souligné, le modèle tunisien a été apprécié à sa juste valeur pour son pragmatisme et sa cohérence. C’est pourquoi, a–t-il indiqué, la communauté internationale est appelée à promouvoir une nouvelle architecture financière qui assure plus de stabilité et évite, notamment aux pays émergents, des crises douloureuses.
Le Gouverneur a aussi précisé que l’objectif de la convertibilité totale en Tunisie ne peut être réalisé que lorsqu'au préalable auraient été satisfaites toutes
les conditions de sa réussite dont notamment la mise en place d’un appareil de production plus performant, davantage diversifié et compétitif, la poursuite
d'une gestion macro-économique saine et durable permettant de maintenir les équilibres interne et externe à des niveaux tolérables et une intégration plus
franche à l'économie mondiale, la préservation de la viabilité de la balance des paiements, le renforcement de la compétitivité de l'ensemble des secteurs clés et notamment le système bancaire et financier et, enfin, la disponibilité de réserves internationales suffisantes pour permettre à la Tunisie de faire face, le cas
échéant, aux difficultés temporaires qui peuvent être causées par des chocs exogènes ou endogènes.
Le Gouverneur a conclu son intervention en soulignant que la convertibilité totale du dinar, plutôt qu'une nécessité ou une possibilité, serait l'aboutissement naturel des performances économiques réalisées par le pays et de la réussite des réformes structurelles engagées.