Le cautionnement des importations utilisé en tant qu’un outil de politique économique qui se distingue des cautions classiques exigées par les banques pour la couverture de leurs engagements et par les services des douanes pour garantir le paiement des droits de douane, vise dans les pays qui l’ont adopté à
décourager ou ralentir les importations. En imposant une immobilisation de capital aux importateurs, il peut réduire la compétitivité des produits étrangers en augmentant leur coût d’entrée sur le marché national. Cela peut pousser les entreprises à privilégier des fournisseurs locaux ou à revoir leur stratégie d’approvisionnement. Comparé à d’autres instrument comme par exemple les droits de douane, l’instauration du dépôt préalable est toujours facile à mettre en œuvre, immédiate.
Certains gouvernements mettent en place ce type de mesures pour
protéger leur industrie nationale, limiter le déficit commercial ou influencer la balance des paiements. Dans certains cas, ces dispositifs peuvent aussi être perçus comme des
barrières non tarifaires, c’est-à-dire des restrictions aux échanges qui ne reposent pas sur des droits de douane, mais sur des contraintes administratives ou financières.
Le cautionnement des importations a pour effets :
- La réduction de la demande pour les produits importés qui y sont soumis par suite de l’augmentation du coût d’entrée de ses produits consécutive au coût de l’immobilisation du dépôt de numéraires
- L’absorption de liquidités suite à leur immobilisation temporaire notamment en cas d’interdiction aux banques de financer les dépôts
- L’amélioration subséquente de la balance commerciale par suite de la réduction des importations
- L’augmentation des réserves en devises gérées par l’État
- Une réduction de la consommation de produits étrangers et une augmentation de la consommation de produits d’origine locale de substitution disponibles et donc une stimulation de l’industrie locale incitée à produire davantage et à recruter.
Plusieurs pays ont utilisé le
cautionnement des importations ou
advance import deposit à différents moments de leur histoire pour diverses raisons économiques :
- Le Japon a mis en place des dépôts préalables pour les importations afin de stabiliser sa balance des paiements.
- L’Espagne a utilisé cette mesure pour contrôler les flux commerciaux et protéger son industrie nationale.
- La Turquie a imposé des dépôts pour limiter la sortie de devises et renforcer sa politique monétaire.
- Le Paraguay a utilisé cette technique pour réguler les importations et soutenir sa monnaie.
- La Bolivie, le Chili, la Colombie, l’Équateur, le Pérou, les Philippines et l’Uruguay ont appliqué des exigences de dépôt préalable pour diverses raisons économiques, notamment pour limiter les déficits commerciaux et stabiliser leurs devises.
- La France, l’Allemagne, l’Argentine, le Danemark, la Finlande, l’Indonésie, la Chine, la Russie, l’Algérie etc. ont expérimenté cette mesure.
Selon le plus récent rapport établi par le Fond Monétaire International, en 2023, seize pays appliquaient le système de
l’advance import deposit en vue de limiter les importations.Le
montant du dépôt est généralement fixé en
pourcentage de la valeur des importations. Le montant de l’acompte varie d’un petit pourcentage à plusieurs fois la valeur de l’importation. En Équateur, par exemple, où la réglementation a été appliquée à des importations spécifiées, l’exigence varie de 25 % à 100 % de la valeur des importations. Au Chili, la fourchette varie de 5 à 5 000 %, selon le caractère « essentiel » des marchandises importées. Au Paraguay, les fonds issus des dépôts des importateurs ont atteint à un moment donné près du tiers de la masse monétaire.
La
durée du dépôt varier de quelques jours à plusieurs mois. En général, le dépôt est exigé lors de la demande de l’autorisation d’importation, ou dans un délai déterminé après l’octroi de l’autorisation. En l’absence d’autorisation, la date du dépôt peut être liée à l a domiciliation bancaire, à l’ouverture de lettres de crédit, à l’expédition de marchandises de l’étranger, à l’arrivée des marchandises ou à leur dédouanement.
Le
moment de la restitution du dépôt varie également considérablement. Il peut être restitué lorsqu’il a été donné suite à la demande de licence d’importation (Japon) ; lors de l’importation, c’est-à-dire du dédouanement des marchandises (Espagne) ; lorsque le paiement en devises est finalement effectué (Turquie) ; après une période déterminée à compter de la date à laquelle le dépôt a été effectué (Paraguay) ; ou après un délai déterminé à compter de la date de dédouanement.
Les
produits visés sont généralement à leur caractère plus ou moins « essentiel » qui varient également selon les pays : la Bolivie n’applique le dépôt anticipé qu’aux importations d’automobiles, la Colombie l’applique à presque toutes les importations.
Le
mode de règlement des importations est parfois pris en compte : paiement au comptant, traite à temps, lettre de crédit, acompte ou garantie bancaire.
Lorsque le recours aux dépôts sert également d’outil de la politique monétaire, certains pays tels l’Indonésie, interdisent leur
financement par les banques.
Les dépôts peuvent également constituer un
instrument de financement public lorsque les dépôts sont directement affectés via la banque centrale au financement du budget ou indirectement lorsque les importateurs sont autorisés à acheter des obligations émises par l’État, en devises étrangères ou dans la devise nationale, et ce, en substitution aux dépôts de numéraires.
A suivre, l'analyse des expériences tunisiennes.
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Bibliographie : Eugene A. Birnbaum et Moeen A. Qureshi, « Advance Deposit Requirements for Imports », IMF Staff Papers 1960, no 002 (1 janvier 1960),
https://www.elibrary.imf.org/view/journals/024/1960/002/article-A005-en.xml.