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Le riba interdit en Tunisie sauf à ses banques islamiques

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Hors ligne Amira93

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  • L'expérience, c'est le nom que chacun de nous donne à ses erreurs passées. Oscar Wide
Ce communiqué révèle surtout un flou juridique inquiétant. Si les banques islamiques appliquent une loi qu’elles ne reconnaissent qu’en changeant les mots, on est clairement face à un problème de fond. Cela questionne non seulement la cohérence de la loi 2024-41, mais aussi la sincérité de son application. Il devient urgent que le législateur précise le cadre pour éviter des interprétations aussi flexibles, voire opportunistes.

Oui, effectivement il n’y a aucun doute que l’on peut et doit s’interroger sur la cohérence de l’alinéa 2 de l’article 12 ter (nouveau) du Code de commerce tant sur le fond que sur la forme. Sur sa sincérité également au sens de sa simplicité et sa clarté bien évidemment.

Le communiqué du CBF ne se comprend que dans le contexte où il a été émis : celui d’une pression de la Présidence de la République au sujet de l’application du dit article par certaines banques et plus particulièrement par les banques dites « islamiques » sur le Gouverneur de la banque centrale qui n’a pas trouvé mieux que de la passer au CBF, habituellement muet sur ces questions et dont les attributions relèvent davantage du protocole et de la coordination entre les banques au sujet des droits de leur personnel et de leur formation.
 
La Banque centrale est restée et reste toujours muette sur le sujet, mais le CBF quasiment sommé de répondre, a dans une tentative d’expliquer la non-application du texte ou le retard mis dans son application par précisément, l’absence de dispositions claires et explicites visant les banques islamiques. Rigoureusement, l’article 412 ter alinéa 2 ne vise que les prêts et les prêts à taux fixes. Les banques islamiques, effectivement n’accordent pas de prêt et la notion d’intérêt et encore moins son taux leur sont inconnus.

Sur le papier seulement, car, un décret-loi a bien mis en évidence qu’au-delà des termes et de la terminologie utilisée par les baques dites « islamiques », ce sont des prêts qu’elles accordent en appliquant un taux d’intérêt tout à fait comparable à celui des banques qu’on peut qualifier de « non-islamiques ».
Voici ce que le législateur a écrit à ce sujet dans le Décret-loi n° 2022-67 du 19 octobre 2022
Citer
Art. 4 - Les expressions « taux d’intérêt excessif », « prêt », « prêts », « emprunteur », « contrat de prêt », « taux d’intérêt effectif global du prêt »,« taux d’intérêt effectif global », « taux d’intérêt effectif moyen », « leur mode de publication » et « présidents directeurs généraux » mentionnées aux articles 2,3,4 et 5 de la loi n° 99-64 du 15 juillet 1999 relative au taux d’intérêt excessif, sont remplacées respectivement par les expressions « taux d’intérêt excessif ou taux de profit excessif  », « prêt ou financement », « prêts ou financements », « demandeur de financement », « contrat de prêt ou contrat de financement  », « taux d’intérêt effectif global du prêt et taux de profit effectif global du financement  », « taux d’intérêt effectif global et taux de profit effectif global », « taux d’intérêt effectif moyen et taux de profit effectif moyen », « leur mode de publication » et « directeurs généraux »

Oui, on aurait pu opposer la terminologie utilisée dans la loi n°2024-41, mais on pourrait lui opposer la traduction des termes qui y sont employés : La terminologie bancaire classique et celle, équivalente, que les banques islamiques emploient. Sur le fonds, sur le plan financier, les mêmes techniques et les mêmes logiciels sont appliqués avec souvent une majoration, un petit surplus en matière de taux d’intérêt, prix de la certification « halal » du produit « crédit islamique ».

Le cadre donc, pour conclure, il est là et clairement précisé, mais effectivement, rien n’empêchait les législateurs de le mentionner afin d’éviter le détour que l’on a fait ici, législateurs qu’on a un peu fourvoyé puisque toutes ces questions n’ont à aucun moment été abordée par les experts qu’ils ont sollicités et à moins d’incompétence savent bien ce qu’ils faisaient en se taisant et s’abstenant de relever tout ce qui était matière à mieux préciser et désigner.
C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser. (De Montesquieu / De l’esprit des lois)


Hors ligne LaurentB

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Ce communiqué révèle surtout un flou juridique inquiétant. Si les banques islamiques appliquent une loi qu'elles ne reconnaissent qu'en changeant les mots, on est clairement face à un problème de fond. Cela questionne non seulement la cohérence de la loi 2024-41, mais aussi la sincérité de son application. Il devient urgent que le législateur précise le cadre pour éviter des interprétations aussi flexibles, voire opportunistes.


Hors ligne Amira93

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  • L'expérience, c'est le nom que chacun de nous donne à ses erreurs passées. Oscar Wide
Le conseil Bancaire et Financier a affirmé dans un communiqué publié le 27 mars 2025 qu'en dépit du manque de clarté des dispositions de la loi 2024-41 du 2 août 2024, les banques islamiques vont appliquer les dispositions relatives à la réduction du taux d'intérêt des prêts à moyen et long terme ... qu'elles n'accordent pas s'il n'était question que de terminologie mais qu'elles accordent sous d'autres dénominations et conditions.
Lien vers le communiqué mis en ligne  sur les forums
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Hors ligne Amira93

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Trois chefs de gouvernements ont visé lesdits arrêtés :
...
M. Ahmed Hachani, expert juriste qui a sans doute travaillé à la préparation de la loi de 1999 à la Banque Centrale, lui aussi révoqué, a visé les arrêtés du 4 décembre 2023 et du 14 février 2024,
...
C'est peut-être la raison pour laquelle il n'a pas accepté de contresigner un arrêté faisant référence à une loi dont le décret d'application n'a pas été publié et a donc fait supprimer cette référence comme si de rien n'était. Le droit pour le contourner et le bafouer, il s'y connait en expert qu'il est ou était.
« Modifié: 21 février 2025, 07:02:37 pm 19:02 par Admin »
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Sourate Al-Baqarah (2:275-279)

Sourate Aal Imran (3:130)
« Modifié: 17 février 2025, 04:22:58 pm 16:22 par Admin »
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Ce post serait incomplet si nous n'illustrions l'attitude de Banque centrale de Tunisie et du ministère des Finances qui ont abouti à une non-application du décret-loi du Président plus deux ans après sa promulgation.

La responsabilité du ministère des Finances en particulier pour son abstention - volontaire ? - de publier le décret d'application prévu à l'article premier du décret-loi  est parfaitement illustrée par l’examen des visas des arrêtés publiés depuis la promulgation du décret-loi n° 2022-67 du 19 octobre 2022.

Depuis cette date, 5 arrêtés ont été publiés le 24 janvier 2023, 4 décembre 2023 (!!), 14 février 2024, 9 septembre 2024 et 28 janvier 2025 pour fixer les seuils à ne pas dépasser au titre des concours bancaires du premier semestre 2023, deuxième semestre 2023 (!!), premier semestre 2024, deuxième semestre 2024 et le premier semestre 2025.

Tous les arrêtés ont été signés par la ministre des Finances, Mme Sihem Boughdiri Nemsia avant sa révocation récemment.

Trois chefs de gouvernements ont visé lesdits arrêtés :
  • Mme Najla Bouden Romdhane a visé l’arrêté du 24 janvier 2023,
  • M. Ahmed Hachani, expert juriste qui a sans doute travaillé à la préparation de la loi de 1999 à la Banque Centrale, lui aussi révoqué, a visé les arrêtés du 4 décembre 2023 et du 14 février 2024,
  • M. Kamel Maddouri a visé les deux derniers arrêtés soit ceux du 9 septembre 2024 et du 28 janvier 2025.

Les arrêtés comportent plusieurs visas de la Constitution à une circulaire de la Banque Centrale en passant par la loi de 1999 et son décret d'application de l'an 2000. On s’en tiendra au second visa celui relatif à la loi de 1999 dont l’évolution du contenu est significative pour notre propos quant à l'attitude du ministère des Finances et sa politique de communication :
Date de l’arrêtéLibellé du second visa
24/01/2023Vu la loi n° 99-64 du 15 juillet 1999 relative aux taux d’intérêt excessifs, telle que modifiée et complétée par les textes subséquents et notamment le décret-loi n° 2022-67 du 19 octobre 2022,
04/12/2023, 14/02/2024 et 09/09/2024Vu la loi n° 99-64 du 15 juillet 1999, relative aux taux d’intérêt excessifs, telle que modifiée et complétée par les textes subséquents,
28/01/2025Néant : aucune référence à la loi 99-64
   
Ainsi, il apparaît clairement que le ministère de Finances n’était pas sans savoir l’existence du décret-loi du 19 octobre 2022 pour l’ » avoir repris au moins une fois, le 24 janvier 2023 avant de l’anonymiser en y faisant une référence sans le citer explicitement dans les arrêtés des 4 décembre 2023, 14 février 2024 et 9 novembre 2024 avant de supprimer toute référence à ce décret-loi en allant même jusqu’à supprimer le visa relatif à la loi qui de 1999 au titre de laquelle l’arrêté est publié !! :(

Clairement, il ne s’agit pas d’une omission, mais d’une volonté délibérée d’invisibiliser le décret-loi du Président de la République et d’induire en erreur le public, les clients des banques, etc.

Nous jugeons que cette attitude est difficilement justifiable de la part d’un corps gouvernemental chargé entre autres de l’application de la loi et qui quotidiennement sanctionne les citoyens pour les infractions qu’ils peuvent commettre souvent involontairement.
« Modifié: 21 février 2025, 03:28:39 pm 15:28 par Admin »
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Hors ligne Amira93

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Si par riba on doit entendre aujourd’hui un financement accordé à des coûts excessifs c’est bien de cela qu’il s’agit, des pratiques usuraires en français.

Et, ce n’est pas le Président de la République Kaies Saied qui l’aurait permis ou autorisé bien au contraire.

En effet, en vertu des pouvoirs dont il dispose et disposait, il a promulgué le 19 octobre 2022 un décret-loi dont l’objet précisément était d’étendre aux banques commerciales exerçant sous la bannière islamique l’interdiction déjà appliquée aux autres banques depuis le Protectorat français,  1937, toute possibilité d’accorder à leurs clients musulmans des financements à des conditions « excessives », « élevées » c’est-à-dire d’exercer le riba. La version consolidée est en ligne sur JurisiteTunisie et comporte les trois versions du texte en une seule page ce qui permet de visualiser les évolutions du texte et de comparer les versions..

Ce décret-loi est demeuré à ce jour lettre morte, comme s’il n’avait jamais existé, comme si le Président ne l’avait pas signé, comme si le Jort ne l’avait pas publié.

Il a été complètement ignoré par la Banque centrale de Tunisie que l’article premier alinéa 2 nouveau appelait à déterminer par une circulaire les « opérations soumises au même taux… de profit excessif » concernées par l’interdiction introduite par le décret-loi sachant que pour les opérations des banques classiques ces opérations étaient déjà connues même si le nouveau décret permettait et visait leur revue.
Citer
La Banque centrale de Tunisie détermine les opérations soumises au même taux d’intérêt excessif ou taux de profit excessif selon les catégories des financements et des bénéficiaires.
Extrait de l'article premier de la loi 99-64 du 64 du 15 juillet 1999 telle que modifiée par le décret-loi n° 2022-67 du 19 octobre 2022

Cette circulaire ne verra pas le jour à ce jour.
Pire, même les textes de la réglementation bancaire que la BCT met gracieusement à jour et à la disposition du public ne seront pas actualisés et la loi de 1999 actuellement mise en ligne sur le site de la banque telle que reprise dans le Recueil des textes réglementaires du mois d’octobre 2024, date de sa dernière actualisation, est celle de la loi telle qu’elle a été modifiée en 2008 et non celle qui a été amendée par le décret du président de la République ci-dessus rappelé 14 ans après !!

Étrange quand même pour une institution si respectueuse de la loi et qui même dans les pires moments de la « révolution » a su préserver une image qu’elle peinait quand même à contrôler sous les assauts des islamistes et les y rattachés.

Le Ministère des Finances lui non plus qui publie le premier mois de chaque semestre les taux excessifs à ne pas dépasser par les banques sous peine de sanction ne cible toujours dans ses arrêtés que les seules banques classiques comme en 1937, comme en 1999, comme en 2008, mais nullement les banques islamiques qu’a visées le décret-loi de 2022. Aucune référence n’y est faite. Il n’existe pas et tout se passe comme s’il n’avait jamais existé. Que des copier-coller des anciens arrêtés dont on se borne et se bornait toujours à modifier et actualiser les chiffres d’une publication à l’autre ainsi qu'on peut le constater sur le dernier arrêté publié.
Le Ministère des Finances, lui aussi, au premier article de la loi amendée a été appelé à publier un décret :
Citer
Constituent des financements bancaires islamiques consentis à un taux de profit excessif, tout financement consenti à un taux de profit effectif global qui excède au moment où il est consenti, le taux de profit effectif moyen pratiqué au cours du semestre précédent par les banques et les établissements financiers agréés pour exercer les opérations bancaires islamiques, d’une marge qui est fixée par décret selon les catégories de financements et de bénéficiaires.
Extrait de l'article premier de la loi 99-64 du 64 du 15 juillet 1999 telle que modifiée par le décret-loi n° 2022-67 du 19 octobre 2022

Ce décret comme la circulaire de la Banque centrale n'a encore été publié même si très certainement, il a été conçu, discuté et validé mais, comme beaucoup de projets leur annonce ne fait que laisser croire au public que les instructions du Président de la République ont été suivies alors qu'en réalité il n'en est rien.

Les trois banques islamiques - La Banque Zitouna, la banque al Baraka et Wifak Bank dont la part de marché est estimée à 7% exercent donc, sur ce point, en dehors de tout contrôle et ne sont susceptibles d’être sanctionnées à quelque titre que ce soit si elles appliquent le riba, d’ailleurs on ne le mesure même pas.
L'appliquent-telles ? Chacun pourra le vérifier en utilisant un calculateur permettant de retrouver le taux de crédit à partir du montant de la mensualité et de la durée du remboursement puis en le comparant aux taux actuellement par les banques que l'on retrouvera à cette page.
Cette vérification reste sommaire et grossière et il ne sera possible de procéder aux vérifications qu'une fois les textes que la Banque centrale et le Ministère des Finances ont été appelés par le Président de la République à publier seront connus du public.

Quelle va être la réaction du Président quand il l’apprendra ?
« Modifié: 21 février 2025, 03:20:31 pm 15:20 par Admin »
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