Si par riba on doit entendre aujourd’hui un
financement accordé à des coûts excessifs c’est bien de cela qu’il s’agit, des pratiques usuraires en français.
Et, ce n’est pas le
Président de la République Kaies Saied qui l’aurait permis ou autorisé
bien au contraire.
En effet, en vertu des pouvoirs dont il dispose et disposait, il a promulgué le 19 octobre 2022 un
décret-loi dont l’objet précisément était d’étendre aux banques commerciales exerçant sous la bannière islamique l’interdiction déjà appliquée aux autres banques depuis le Protectorat français, 1937, toute possibilité d’accorder à leurs clients musulmans des financements à des conditions « excessives », « élevées » c’est-à-dire d’exercer le riba. La
version consolidée est en ligne sur JurisiteTunisie et comporte les trois versions du texte en une seule page ce qui permet de visualiser les évolutions du texte et de comparer les versions..
Ce décret-loi est demeuré à ce jour lettre morte, comme s’il n’avait jamais existé, comme si le Président ne l’avait pas signé, comme si le Jort ne l’avait pas publié.
Il a été complètement ignoré par la
Banque centrale de Tunisie que l’article premier alinéa 2 nouveau appelait à déterminer par une circulaire les « opérations soumises au même taux… de profit excessif » concernées par l’interdiction introduite par le décret-loi sachant que pour les opérations des banques classiques ces opérations étaient déjà connues même si le nouveau décret permettait et visait leur revue.
La Banque centrale de Tunisie détermine les opérations soumises au même taux d’intérêt excessif ou taux de profit excessif selon les catégories des financements et des bénéficiaires.
Extrait de l'article premier de la loi 99-64 du 64 du 15 juillet 1999 telle que modifiée par le décret-loi n° 2022-67 du 19 octobre 2022
Cette circulaire ne verra pas le jour à ce jour.
Pire, même les textes de la réglementation bancaire que la BCT met gracieusement à jour et à la disposition du public ne seront pas actualisés et la loi de 1999 actuellement mise en ligne sur le site de la banque telle que reprise dans le
Recueil des textes réglementaires du mois d’octobre 2024, date de sa dernière actualisation, est celle de la loi telle qu’elle a été modifiée en 2008 et non celle qui a été amendée par le décret du président de la République ci-dessus rappelé 14 ans après !!
Étrange quand même pour une institution si respectueuse de la loi et qui même dans les pires moments de la « révolution » a su préserver une image qu’elle peinait quand même à contrôler sous les assauts des islamistes et les y rattachés.
Le
Ministère des Finances lui non plus qui publie le premier mois de chaque semestre les taux excessifs à ne pas dépasser par les banques sous peine de sanction ne cible toujours dans ses arrêtés que les seules banques classiques comme en 1937, comme en 1999, comme en 2008, mais nullement les banques islamiques qu’a visées le décret-loi de 2022.
Aucune référence n’y est faite. Il n’existe pas et tout se passe comme s’il n’avait jamais existé. Que des copier-coller des anciens arrêtés dont on se borne et se bornait toujours à modifier et actualiser les chiffres d’une publication à l’autre ainsi qu'on peut le constater sur le
dernier arrêté publié.
Le Ministère des Finances, lui aussi, au premier article de la loi amendée a été appelé à publier un décret :
Constituent des financements bancaires islamiques consentis à un taux de profit excessif, tout financement consenti à un taux de profit effectif global qui excède au moment où il est consenti, le taux de profit effectif moyen pratiqué au cours du semestre précédent par les banques et les établissements financiers agréés pour exercer les opérations bancaires islamiques, d’une marge qui est fixée par décret selon les catégories de financements et de bénéficiaires.
Extrait de l'article premier de la loi 99-64 du 64 du 15 juillet 1999 telle que modifiée par le décret-loi n° 2022-67 du 19 octobre 2022
Ce décret comme la circulaire de la Banque centrale n'a encore été publié même si très certainement, il a été conçu, discuté et validé mais,
comme beaucoup de projets leur annonce ne fait que laisser croire au public que les instructions du Président de la République ont été suivies alors qu'en réalité il n'en est rien.
Les
trois banques islamiques - La Banque Zitouna, la banque al Baraka et Wifak Bank dont la part de marché est estimée à 7% exercent donc, sur ce point, en dehors de tout contrôle et ne sont susceptibles d’être sanctionnées à quelque titre que ce soit si elles appliquent le riba, d’ailleurs on ne le mesure même pas.
L'appliquent-telles ? Chacun pourra le vérifier en utilisant un
calculateur permettant de retrouver le taux de crédit à partir du montant de la mensualité et de la durée du remboursement puis en le comparant aux taux actuellement par les banques que l'on retrouvera à cette page.
Cette vérification reste sommaire et grossière et il ne sera possible de procéder aux vérifications qu'une fois les textes que la Banque centrale et le Ministère des Finances ont été appelés par le Président de la République à publier seront connus du public.