L’Infraction de corruption :
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PREMIERE PARTIE: COMPARAISON RELATIVE À L'INCRIMINATION |
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D’après une règle classique du « droit pénal de la corruption »Note Formule utilisée par Vitu A, J-CL Pén, art 432-11 n°93., il faut que la sollicitation ou l’agrément soit antérieur par rapport à l’acte ou l’abstention. Ainsi, la seule existence d’offres qui précédent l’acte de la fonction ou l’abstention suffit pour caractériser l’infraction.
La condition de l’antériorité est imposée par les libellés même des articles 432-11, 434-9 et 433-1 CPF et L. 152-6 Code du travail, etc. Ces textes établissent l’ordre de succession des différentes étapes de la corruption. Et ainsi puni tout d’abord le fait de solliciter ou d’agréer des offres … pour, seulement après, faire ou s’abstenir de faire l’acte de sa fonction. La Cour de cassation exige la preuve de l’antériorité de la convention entre le corrupteur et le corrompu à l’acte qu’elle rémunère. L’acceptation d’un cadeau, par un fonctionnaire est peut être moralement ou disciplinairement condamnable ; mais ce n’est pas la corruption en l’absence de convention antérieure. Ce problème ne se pose pas lorsque les sommes demandées ou agrées sont versées effectivement avant la réalisation du but recherchéNote Cass crim 13 déc 1972 bull crim n°391 cité par Vitu A. . Ce point de vue est différent de celui adopté par certaines législations étrangères tels que le droit italien et allemand qui ne connaissent pas la règle de l’antériorité. Ie droit allemand procède à une répression uniqueNote Vitu A, J-CL Pén, art 432-11 n°93.. Les dons rémunérations de l ‘acte accompli et ceux de paiement d’acte à venir sont réprimés par une infraction unique . En Italie le droit distingue entre deux cas. La rémunération a posteriori est moins sévèrement punieNote Code pénal Italien art 318. . Cette distinction est fondée sur l’idée que la gravité des faits est moindre que dans la corruption antérieure à l’acteNote Vitu A, J-CL Pén, art 432-11 n°93. . La solution adoptée par le législateur français a été critiquée par le professeur DELMAS-SAINT-HILAIRENote Voir ses observations dans Rev.sc. crim 1987, p 685. . Il trouve que ce principe d’antériorité comporte des conséquences paradoxales puisqu’il permet de punir le fonctionnaire qui a sollicité ou agrée une rémunération mais qui s’est abstenu de réaliser l’acte proposé ou retardé, alors qu’il permet l’impunité du fonctionnaire qui commence par accomplir l’acte délictueux et à réclamer ou accepter la rémunération par la suite. La jurisprudence a entrepris de corriger l’impunité que pouvait entraîner l’ingéniosité des délinquants qui procéderaient à des rémunérations successives postérieures au pacte du corrupteur. Elle a retenu un critère fondé sur le nombre des rémunérations. Elle distingue deux situations. La jurisprudence n’a pas choisi la solution d’isoler chaque acte. Elle décide qu’il y a corruption, car les relations se sont nouées entre le fonctionnaire et le particulier. Les dons, rémunérations d’actes passés, peuvent avoir pour but de faciliter les services futurs ainsi, le contexte douteux des cadeaux reçus leur imprime aisément un caractère délictueux et le délit de corruption est alors constituéNote DELMAS-SAINT-HILAIRE ; Rev.sc. crim 1987, p 685. Conscients, de la difficulté pour les magistrats de rapporter la preuve du pacte préalable, quelques députés se sont mobilisés, au printemps 2000, pour faire adopter par le Parlement un amendement qui devrait faciliter les poursuites des faits de corruption. Cette initiative a été adopté par la loi du 30 juin 2000 qui a précisé dans les articles 432-11, 433-1 et 434-9 CPF que la sollicitation ou l’agrément peut intervenir « à tout moment »Note cette adjonction a été combattue par le gouvernement qui estimait d’une part que cette disposition était contraire à la conception traditionnelle française de la corruption et d’autre part que les actes de rémunération a posteriori pouvaient toujours être poursuivis sous le chef d’abus de biens sociaux pour le corrupteur etde recel d’abus de biens sociaux pour le corrompu.. Désormais, les infractions de corruption active ou passive sont constituées quel que soit le moment où le corrupteur a proposé son offre ou son don et quel que soit le moment où le corrompu l’accepté ou sollicité. Malheureusement, le législateur n’a pas cru nécessaire ou plutôt il n’a pas réalisé qu’il était nécessaire de modifier en conséquenceVoir, W. Jeandidier, Du délit de corruption et des défauts qui l'affectent JCP G 2002, I, 166. la rédaction de la suite des textesNote . Ceux-ci disent désormais ceci : « la sollicitation ou l’agrément des avantages se fait à tout moment pour accomplir ou s’abstenir d’accomplir un acte de la fonction ». On remarque ainsi, que la lettre de la loi continue de maintenir l’exigence de l’antériorité du pacte de corruption. Certains auteurs ont proposé de libeller les articles en question d’une autre manière et écrire : « le fait par un fonctionnaire communautaire... de solliciter ou d'agréer, sans droit... des offres... pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir ou pour avoir accompli ou s'être abstenu d'accomplir un acte de sa fonction... »Note Proposition d’André Vitu.. Certains commentateurs, en se fiant, au ratio legis, ont écrit que la réforme entraîne la disparition de l’exigence de l’antériorité du pacte de corruption et que l’intention du législateur ressort clairement des travaux parlementairesNote Voir par exemple, Véron, corruption, trafic d’influence, prise illégale d’intérêts, favoritisme : R J com, nov, 2001 p38. . A notre sens, il ne faut pas interpréter les articles relatifs à la corruption suite à la réforme du 30 juin 2000 d’une manière littérale mais il faut procéder à une interprétation téléologique, donnant la primauté à l’intention du législateur et non à la lettre de la loi. Une telle interprétation permettrait de dire que l’exigence de l’antériorité du pacte de corruption a été abandonnée. |
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