L’Infraction de corruption :
Etude comparative entre le droit français et le droit tunisien D.E.A. de Sciences Criminelles Université des sciences sociales, Toulouse 2003/2004 Mémoire écrit par : M. EL AIR Mohamed Zied. Sous la direction de M. Marc Segonds, maître de conférence. Copyright Jurisite Tunisie© 2001- |
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INTRODUCTION |
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L’histoire révèle que la corruption est un vieux fléau qui existait depuis les anciennes civilisations. Dans le très ancien droit romain, la corruption et la concussion ont été confondues et elles étaient englobées dans une même et unique répression sévère. En effet, elles étaient tenues pour des crimes si graves, surtout s’ils étaient le fait de magistrats. Ces derniers pourraient encourir jusqu’à la peine de mortNote La Loi des XII Tables. Voir notamment H.Arfa mémoire de fin d’études à l’E.N.M « corruption active et passive »95-96 p9.. De plus à l’époque de Jules césar, le coupable était puni d’une amende du quadruple des choses reçuesNote A. Chauveau et F. Hélie, Théorie du Code pénal, t. II, Marchal et Billard, 5 éd. 1872, t. II, n° 831.. La société islamique a connu le délit de corruption, ce qui a entraîné la définition de cette infraction, la détermination de ses conditions ainsi que les peines applicables. Dans ce sens, l’Imam El Ghazali l’a défini comme « la dépense de l’argent dans le but d’un acte interdit ou d’un devoir défini » et il ajoute « elle est ce que les gens sont obligés de donner comme argent, dons, services et biens sous formes de cadeaux avec bienveillance ou flatterie en sollicitant des faveurs pour devenir partial. Ce qui signifie rendre l’illicite licite et le licite illicite. Ainsi, la corruption peut survenir à propos d’un devoir à accomplir ou à éviter et s’opère soit par la contrainte, soit par complicité ou par un accord mutuel entre le corrupteur et le corrompu pour la réalisation de leurs intérêts personnels contraires aux intérêts de la collectivité ». Les jurisconsultes de la religion musulmane étaient unanimes pour condamner la corruption, le corrupteur, le corrompu et l’intermédiaire qui intervenait entre les deux. Ils s’appuyaient pour la condamnation de la corruption sur des arguments issus de la tradition ou fondés sur la raison. Le Coran affirme : « ne dissipez point vos richesses en dépenses inutiles entre vous, ne les portez pas non plus aux juges dans le but de consumer injustement le bien d’autruiNote La vache verset 184. Le Coran : traduit par Sadok Mazigh. ». Certains exégètes se sont appuyés dans la condamnation de la corruption sur cette citation du Coran : « ils prêtent évidemment l’oreille aux mensonges, ils recherchent les mets défendusNote La table servie verset 46. Le Coran : traduit par Sadok Mazigh. ». Par les « mets défendus » il faut entendre la corruption ou toute acquisition prohibée. Dans la tradition ( Le Hadith) le prophète déclare : « Malédiction de Dieu sur le corrupteur et le corrompu dans le jugement » et dans une autre version « malédiction de Dieu sur le corrupteur, le corrompu et l’intermédiaire qui intervient entre les deux ». On raconte que « Amor Ibn Abdelaziz »Note Khalife musulman connu sous le nom du « Juste ». avait refusé un cadeau proposé dans une occasion et lorsqu’on lui disait que le prophète l’acceptait, il répondait : « C’était un cadeau pour lui et une corruption pour nous, parce qu’on voulait se rapprochait de sa prophétie non pour son autorité. Or pour notre cas, on se rapprochait de nous pour notre autorité ». Amor Ibn KhattabNote Khalife musulman et disciple du prophète Mahomet. a écrit à ses gouverneurs « gardez-vous des cadeaux offerts ; c’est de la corruption ». La jurisprudence musulmane a défini les éléments fondamentaux sur lesquels s’appuient ce délit. Tout d’abord, le coupable devait être investi du pouvoir de diriger les affaires des musulmans, de plus la corruption devait avoir pour but l’accomplissement d’un service. Enfin elle insistait sur l’existence nécessaire de l’intention coupable chez le corrupteur, en d’autres termes, ce dernier devait être pleinement conscient qu’il faisait une offre, qui devait être acceptée par le corrompu, dans l’intention de corrompre. Ainsi si l’intention coupable faisait défaut, il n’y aurait point de délit. En France, le concept juridique de corruption n’est vraiment devenu autonome qu’à partir du Code pénal de 1771, étant auparavant confondu avec la concussion. Ce code avait prévu des peines sévères allant jusqu’à la peine capitale de l’époque, à savoir ; la peine de mortNote Cette peine était applicable aux membres de la législature. . Le Code pénal de 1810 a suivi l’exemple du législateur révolutionnaire en maintenant la distinction entre la corruption et la concussion. Cependant, dans ses dispositions primitives, il punissait de la peine criminelle du carcan et d'une amende tout fonctionnaire public ayant commis des faits de corruption. En Tunisie, le Code pénal tunisien de 1913 prévoit la corruption dans la deuxième section du troisième chapitre du deuxième livre. Ce chapitre est consacré aux infractions commises par les fonctionnaires publics ou assimilés dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, on y trouve la corruption, la concussion, les détournements commis par les dépositaires publics et l’abus d’autorité. Il faut rappeler à ce niveau qu’il existe trois systèmes possibles pour la répression de la corruption. On peut d’abord considérer que, du corrupteur et du fonctionnaire corrompu, le plus coupable des deux est le second qui méconnaît volontairement ses devoirs de fidélité et de probité. Ainsi, le corrompu doit être considéré comme l’auteur de l’infraction, le corrupteur n’étant que son complice. L’inconvénient est ici en cas de tentative de complicité, le corrupteur échappe à la répression puisque dans les deux législations la tentative de complicité est impunissable; c’est la rançon de l’emprunt de criminalitéNote Vitu A, J-Cl Pén art 432-11 n°26 et suivant. Voir notamment l’article 32 CPT relatif à la complicité ; qui consacre le système d’emprunt de criminalité et de pénalité. . Le deuxième système considère le corrupteur et le corrompu comme coauteurs de la même infraction. Dans ce systèmeNote C’est la solution que préconisait R. Garraud « Traité théorique et pratique du droit pénal français » t. IV » : Sirey, 3e éd., n° 1518 s. , l’infraction serait pleinement réalisée lorsque l’accord est conclu entre les deux coauteurs, on peut aussi retarder la commission de l’infraction jusqu’au moment de l’accomplissement de l’acte de la fonction. Toutefois ce système demeure critiquable et on peut lui reprocher de ne pas distinguer suffisamment entre l’un et l’autre des personnages, le corrompu étant généralement plus blâmable que le corrupteur. Pour éviter les inconvénients des deux premiers systèmes, on a fait appel à un troisième système qui fait de la corruption un complexe de deux infractions distinctes : la corruption active imputable au corrupteur et la corruption passive imputable au corrompu. C’est ce dernier système qui a été admis par plusieurs législations à titre d’exemple ; le droit français, tunisien et allemand. |
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