Un système d’évaluation des professionnels en ligne: Pourquoi pas?

En Europe[1], et en France par exemple, des citoyens ont mis en place des sites[2] sur lesquels les députés et représentants du peuple sont notés et évalués. Un élu doit son élection à des citoyens qui l’ont choisi pour son programme ou celui de son parti. Il va de soi qu’il doit rendre compte de son mandat et honorer ses engagements.

Plusieurs universités, surtout nord américaines (USA et Canada), permettent aux étudiants de noter ou apprécier leurs professeurs directement sur leurs sites respectifs. Un professeur qui connaît ce que ses étudiants pensent de lui vaut mieux qu’un monsieur qui ne pense qu’à lui et n’a aucune idée de l’opinion d’autrui.

L’affaire, cause directe de ce billet, est rapportée par les dépêches Jurisclasseur concernant une décision de la CNIL[3] à propos d’un Site de notation des avocats.

Saisie de plaintes d’avocats à l’encontre du dit site, la CNIL a « rappelé que l’utilisation de données nominatives sans le consentement des personnes concernées est contraire à la loi informatique et libertés ». Donc, la CNIL ne condamne pas ce système mais elle l’entoure de certaines garanties établies par la loi.

La question est: de tels systèmes ou tels sites sont-ils possibles en Tunisie?

Peut-on voir en Tunisie des sites où on pourra noter et évaluer: L’avocat, le médecin, l’expert, l’assureur, le banquier…?

Difficile à répondre.

C’est toujours la difficulté de résolution du dilemme juridique relatif à l’équilibre de protection qui doit être assuré quand on est en présence des intérêts en conflit.

D’une part, nous avons le citoyen ou le justiciable qui devraient être protégés en tant que consommateurs ou usagers de service publics délégués. D’autre part, nous devrons respecter le professionnel de toute atteinte à sa dignité ou sa réputation et conserver sa vie privée.

On ne peut pas se référer ici à l’intérêt général du coté de l’un et au dépend de l’autre car cet intérêt réside dans les 2.

Dès le départ, nous aurions aimé traiter la question sous l’angle de la protection du consommateur. Hélas!

Dés le départ, la loi organique n° 63 du 27/7/2004 portant sur la protection des données à caractère personnel nous pose déjà un problème: elle nous laisse dans le doute.

Ainsi, et à titre d’exemple:

Art. 4. – Au sens de la présente loi, on entend par données à caractère personnel toutes les informations quelle que soit leur origine ou leur forme et qui permettent directement ou indirectement d’identifier une personne physique ou la rendent identifiable, à l’exception des informations liées à la vie publique ou considérées comme telles par la loi.

Art. 11. – Les données à caractère personnel doivent être traitées loyalement, et dans la limite nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles ont été collectées. Le responsable du traitement doit également s’assurer que ces données sont exactes, précises et mises à jour.

Art. 12. – Le traitement des données à caractère personnel ne peut être effectué pour des finalités autres que celles pour lesquelles elles ont été collectées sauf dans les cas suivants :

si la personne concernée a donné son consentement.

Art. 13. – Est interdit le traitement des données à caractère personnel relatives aux infractions, à leur constatation, aux poursuites pénales, aux peines, aux mesures préventives ou aux antécédents judiciaires.

Déjà, ce dernier article nous décourage d’aller plus loin.

Dénoncer un médecin condamné pour avoir procédé à l’ablation de prostate d’un patient souffrant de migraine, rapporter la condamnation d’un avocat pour avoir encaissé les sommes d’une indemnité d’assurance allouée pour une veuve et ses orphelins ou évoquer une affaire de corruption ou de connivence d’un auxiliaire de justice ne serait pas possible du moment qu’elle véhicule des données à caractère personnel même si elle tend à avertir un large public des incompétences des uns ou la moralité douteuse des autres pouvant mettre en péril leurs droits et intérêts.

Il est évident que le risque de dérive de tels systèmes est réel. On comprend le sens de la loi voulant éviter de tels traitements.

Certes, noter ou évaluer n’est pas tout à fait juger. Il y a de fines nuances à relever. Ce n’est pas non plus condamner.

Il y a de fortes chances que si de tels sites se voient le jour en Tunisie, ils se convertiront rapidement en des tribunaux virtuels rendant des jugements bizarres et subjectifs et affectant par la même, droit des personnes et intérêt de la société.

Alors, on abandonne notre 1ère question juridique pour une autre:

Pourquoi, ailleurs (Europe et Amérique de Nord) on réussi de telles expériences et nous (ici), non?

La réponse n’est pas dans la loi. Encore une fois, c’est du coté de l’éducation et de la mentalité qu’il faut chercher.

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[1]http://www.parlorama.eu/fr/

[2]http://mon-depute.fr/http://www.deputesgodillots.info/

[3] – La Commission nationale de l’informatique et des libertés.

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