Epouse violée!

Un couple, constatant que la vie conjugale devenue un enfer, a décidé d’un commun accord le divorce dont la procédure a été programmée pour la semaine d’après.

Deux jours après, le mari se trouvant seul avec sa future ex l’a contraint à un rapport sexuel non consenti.

La dame, orgueilleuse et intellectuelle avertie, s’est sentie victime d’un viol et a procédé à des consultations juridiques préalables avant de porter plainte.

Tous les contacts lui ont posé la question s’il ya des traces de bleu sur le corps ou un œil gonflé afin de poursuivre le mari pour faits de violence. Donc, la réponse indirecte qu’elle a eu c’est : Non, tu ne peux pas accuser ton mari de viol.

Lisant un jugement condamnant un monsieur pour viol de son ex (divorce annoncé) je me suis demandé si le droit tunisien autorisait une telle accusation?

La recherche (rapide) de la réponse ne m’a autorisé qu’à une seule possible articulation de 3 textes: article 227 bis (paragraphes 3 et 4) du code pénal et les articles 20 et 23 (paragraphe 2) du CSP.

En effet, selon l’article 227 bis du code pénal, le mariage du coupable (du viol) avec la victime arrête les poursuites ou les effets de condamnation. Mais ceux-ci seront repris si ce mariage prendra fin par un divorce avant l’expiration de 2 ans à dater de la consommation du mariage.

Donc, c’est le divorce prononcé et non celui demandé qui aura pour effet de reprendre les poursuites ou les effets de condamnation. C’est une différence de taille.

Le texte est logique. Pour le législateur tunisien, le mariage ne prend fin que par une prononciation d’un divorce. Entamer une procédure de divorce ne résout pas le mariage.

L’article 20 du CSP, quant à lui, mentionne que « La femme ne peut, avant l’expiration du délai de viduité, contracter mariage qu’avec son ancien époux.».

On sait que le délai de viduité est observé pour s’assurer de la (bonne et légitime) filiation. La femme doit s’abstenir de tout rapport sexuel, même avec son ex mari dans le cadre d’un (second) mariage.

L’article 20 CSP conforte le sens véhiculé par l’article 227 bis du code pénal. Le rapport sexuel entre époux est cloisonné dans le stricte cadre du mariage. Le divorce prononcé supprime alors toute légitimité de ce rapport.

Ainsi, et à priori, la dame victime aura des difficultés à prouver le viol vu qu’elle est encore l’épouse de l’auteur des faits. Le paragraphe 2 de l’article 23 stipulant que Les deux époux doivent remplir leurs devoirs conjugaux conformément aux usages et à la coutume, il met une présomption que ce rapport été consenti et qu’il est du devoir de la femme.

Cette analyse est-elle la seule possible?

Non.

Non, car on n’a suivi jusque là qu’une analyse trop formaliste des notions mariage et divorce.

Si le mariage génère une présomption de consentement au rapport sexuel entre époux c’est qu’il est supposé être conditionné par 2 éléments essentiels: volonté de rester en mariage et cohabitation.

1- la volonté de rester en mariage:

Une action en divorce entamée est une preuve irréfutable que cette volonté n’existe plus ou faisait désormais défaut. On n’est plus au stade des querelles et de lave linge quotidien mais en une étape ouvrant à dissolution formelle du mariage.

Le sentiment est déjà affecté. N’est-ce pas aussi une preuve que le consentement au rapport sexuel n’y est plus?

2- la cohabitation:

Le mariage est une union…sous un même toit: le domicile conjugal. Ce domicile est un cadre spatial qui confère à tous les actes et faits accomplis dedans une légitimité spéciale.

A l’intérieur du foyer conjugal, les époux sont présumés occupés à discuter, à se respecter, éduquer des enfants, manger et avoir des rapports sexuels inhérents au mariage.

Supposons que l’épouse quitte ce foyer dès l’instant où les problèmes commencent à voir le jour et se rend chez ses parents ou loue carrément un autre local, peut-on encore présumer son consentement si son mari le contraint à une relation sexuelle chez elle et non au domicile supposé?

Un viol commis hors du foyer suite à la désertion de l’épouse peut changer les donnes et aboutir à une qualification telle. On voit vraiment mal nos juges se refuser à une telle analyse si ces faits sont prouvés.

Mais si on considère la cohabitation au lato sensus pour dire qu’elle ne se limite pas au constat formel et banal de la présence de deux êtres sous un même toit mais plutôt l’état de 2 personnes voulant vivre ensemble s’entraidant, s’aimant et se respectant, peut-on dire cet élément faisait défaut dès l’instant que la preuve d’une vie séparée ait été apportée même si la cohabitation géographique soit réel?

On connaît des couples non divorcés vivent séparés sous le même toit. Chacun a sa chambre, ses assiettes, ses tasses et sous-tasses, sa télé…c’est un divorce de fait non annoncé ou non prononcé. Oser dire qu’un tel couple est un mari et femme s’est aller contre (pure) sens du mariage.

On avoue que convaincre le juge d’une telle analyse sera une difficile tache mais prouver un viol même, si le mariage n’est pas encore dissout solennellement par un divorce , reste possible à condition de savoir de quel coté socio-juridique entamer l’affaire.

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