Le Timeshare: attention à l'arnaque

Après la loi n° 2008-33 du 13 mai 2008 relative à l’hébergement touristique à temps partagé (le timeshare) voici les textes d’application qui paraissent une année après au JORT. Ces textes sont:

1- Décret n° 2009-1935 du 15 juin 2009, portant fixation des conditions d’obtention de l’autorisation préalable à l’exercice de l’activité d’hébergement touristique à temps partagé.

2- Arrêté du ministre du tourisme du 16 juin 2009, portant approbation du contrat type relatif à la cession du droit de jouissance d’hébergement touristique à temps partagé.

L’expérience du timeshare en Tunisie, et dans le reste du monde, a été parfois malheureuse vu que beaucoup de citoyens ont été induits en erreur par la mauvaise (ou malicieuse) publicité qui les a conduit à acheter.

Le truc est simple: on (les promoteurs) dit qu’on vend des appartements dans lieux balnéaires (surtout) à des prix alléchants. Les victimes y croient et courent conclure des contrats moyennant une belle somme. Ils croyaient avoir acquis un appartement alors que ce n’en est Rien. En réalité, ils n’ont même pas acquis un simple droit réel; juste un droit personnel, un droit à l’hébergement pour une période déterminée dans un lieu précis.

Après la conclusion du contrat et au premier contact avec le local[1], les acquéreurs sont sonnés par la teneur de ce qu’ils ont acheté.

Les lois européennes ont été modifiées ou amendées pour apporter plus de sécurité et de protection aux acquéreurs sur recommandation des institutions européennes.

La Tunisie a suivi, mais sans adopter la même teneur (sinon, ca ne sera pas la Tunisie).

En réalité, nos amis européens ont modifié la législation, certes pour mieux protéger les consommateurs, mais surtout pour relancer ce secteur touristique prometteur[2].

La Tunisie  a abandonné l’ancienne loi pour une autre plus récente et on a supprimé toute détermination de la nature de ce droit. Pire, on est allé même à l’encontre de la tendance internationale. En effet, l’article 2 de la nouvelle loi n’a pas repris la formule de la loi abrogée qui indiquait que le droit acquis par les acheteurs est un droit personnel.  Le ministre du tourisme a estimé que ce droit est un droit d’usufruit, donc droit réel!!!

Si on dit droit réel, c’est que tout acquéreur pourra l’enregistrer au registre foncier.

Alors une petite statistique:

Ce droit d’usufruit ne dépasse pas les 15 jours/an. En une année, nous avons 53 semaines. 53/2= 26,5. Donc, pour chaque appartement nous aurons au moins, 26 transcriptions au registre foncier. Comme ce droit peut être transmis par la cession, le prêt, la location, l’échange et la succession, imaginez le nombre impressionnant de transcriptions que pourrait subir un modeste titre d’un misérable appartement de 1 pièce!!!

Encore, faut-il souligner que ce droit a une durée minimale de 5 ans. Et après 5 ans? Comment le nouvel acquéreur pourra-t-il inscrire son droit sachant qu’il conclut un contrat avec la société et non l’ancien acheteur!!!

Pour encourager ce secteur et les investisseurs, la loi prévoit qu’ils doivent fournir une caution bancaire ininterrompue en guise de garantie de leurs obligations professionnelles envers les clients et qu’il leur est interdit de cumuler l’activité d’hébergement touristique à temps partagé et l’activité ordinaire d’hébergement. C’est comme demander à un pilote de décoller tout en lui faisant savoir que son réservoir est à sec ou que ses pneus sont à plat.

La protection du consommateur n’est pas au top aussi. Le ministère du tourisme dans ses réponses écrites aux commissions parlementaires (séance plénière du 14/4/2008) avait indiqué que le contrat type contiendra pas moins de 13 mentions obligatoires (dont: identités des parties, objet, durée, prix, délai de réflexion, modalité de gestion du droit, modalités de résiliation, modalités de l’inventaire, obligations de l’acheteur, les documents joints au contrat, la participation à la bourse d’échange, les dépense communes et les modes de résolution des litiges).

L’arrêté du 16/6/2009 a repris ces indications Sauf que:

Quand on lit l’article 7

Article 7 : Obligations du bénéficiaire :

Le bénéficiaire déclare avoir pris connaissance de toutes les dispositions du règlement intérieur de l’unité d’hébergement, des locaux et des espaces collectifs ainsi que des conditions générales de leur exploitation et accepte de s’y conformer.

On ne peut que constater que la protection du consommateur par une telle rédaction est quasi absente voir inefficace. On s’attendait à ce qu’on s’assure que le consommateur signe en connaissance réelle des documents joints.

Attention. Ne signez jamais un tel contrat sans avoir réellement pris connaissance de ce document.

Encore, l’article 5 : Délai de réflexion stipule qu’il est « accordé au bénéficiaire un délai de réflexion de quinze jours (15 jours), à compter de la signature du présent contrat. Au cours de ce délai, le bénéficiaire peut se rétracter sans aucune condition ou justification« .

Sachez aussi que ce délai ne court qu’à partir de la double signature du contrat par les 2 parties conformément aux réponses écrites du ministère du tourisme sus-indiquées.

On peut s’attarder beaucoup sur cette loi mais on reste persuadé que la nature du droit qu’elle véhicule n’est pas réellement un droit réel. Si on continue à le penser, des problèmes épineux surgiront dans la pratique qui rendront la protection compromise et incertaine.

Alors, si vous êtes appelés à acheter, un conseil:

Exiger:

1- Que le contrat soit signé par les 2 parties.

2- Le règlement intérieur de l’unité d’hébergement.

3- – Le plan descriptif des composantes de l’unité et de ses locaux et ses espaces collectifs.

4- – Le plan architectural de l’appartement et de son emplacement au sein de l’unité.

5- – La liste de l’ensemble du matériel et des équipements se trouvant dans l’appartement.

6- – Le calendrier des semaines d’hébergement.

7- Vérifiez ou demandez à vérifier par vous-même dans les 15 jours qui vous sont impartis, les points 4, 5 et 6.

8- Faites inscrire le contrat au registre foncier

9- Négociez le point mentionné à l’article 3 qui met à votre charge le droit d’enregistrement du dit contrat (Le bénéficiaire est tenu d’enregistrer le présent contrat et se charge des frais y afférents).

10- Ne signez aucun autre document.

11- N’hésitez jamais à faire valoir votre droit en cas de manquement par la société à ses obligations.


[1] – Généralement, au 1er contact, la majorité des tunisiens ont voulu faire des réajustements à l’appartement (c’est un tic chez nous) pour marquer leur territoire croyant que c’est leur bien.

[2] – Certaines estimations situent le chiffre d’affaire de ce secteur 2 fois (ou plus) de celui du secteur touristique classique des les années à venir.

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