Législation-Tunisie

Loi n° 95-42 du 24 avril 1995, modifiant et complétant la loi n° 91-64 du 29 Juillet 1991 relative à la concurrence et aux prix.
(JORT n° 35 du 2 mai 1995, page 976 et suiv.)


Au nom du Peuple ;

La chambre des Députés ayant adopté ;

Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

ArticleArticle Premier. - Les articles 1, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 13, 16, 20, 29 et 36, de la loi n° 91-64 du 29 juillet 1991 relative à la concurrence et aux prix sont modifiés comme suit :

Article Article premier. (nouveau) - La présente loi a pour objet de définir les dispositions régissant la liberté des prix, d'établir les règles présidant à la libre concurrence, d'édicter à cet effet les obligations mises à la charge des producteurs, commerçants, prestataires de services et autres intermédiaires, et tendant à prévenir toute pratique anticoncurrentielle, à assurer la transparence des prix, et enrayer les pratiques restrictives et les hausses illicites des prix.
Elle a, également, pour objet le contrôle de la concentration économique.

Article Article 5. ( nouveau ) - Sont prohibées les actions concertées et les ententes expresses ou tacites visant à empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence sur le marché, lorsqu'elles tendent à :

  1. faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu de l'offre et de la demande;
  2. limiter l'accès au marché à d'autres entreprises ou le libre exercice de la concurrence ;
  3. limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements, ou le progrès technique ;
  4. répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.
Sont prohibés, dans tous les cas, les contrats de concession et de représentation commerciale exclusive.
Est prohibée, également, l'exploitation abusive d'une position dominante sur le marché intérieur ou sur une partie substantielle de celui-ci.
L'exploitation abusive d'une position dominante peut consister en refus de vente, en ventes liées, en prix minimums imposés en vue de la revente, ou en conditions de vente discriminatoires.
Est nul de plein droit tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à l'une des pratiques prohibées en vertu du présent article.

 

Article Article 6. ( nouveau). - Ne sont pas considérées comme anticoncurrentielles, les ententes et les pratiques dont les auteurs justifient qu'elles ont pour effet un progrès technique ou économique et qu'elles procurent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte.
Ces pratiques sont soumises à l'autorisation du ministre chargé du commerce après avis du conseil de la concurrence.

Article Article 7. ( nouveau ). - Au sens de cette loi, la concentration résulte de tout acte, quelle qu'en soit la forme, qui emporte transfert de propriété ou de jouissance de tout ou partie de biens, droits ou obligations d'une entreprise ayant pour effet, de permettre à une entreprise ou à un groupe d'entreprises d'exercer directement ou indirectement, sur une ou plusieurs autres entreprises une influence déterminante.
Tout projet ou opération de concentration de nature à créer une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de ce marché, doit être soumis à l'accord du ministre chargé du commerce.
Les dispositions de l'alinéa précédent s'appliquent à toutes les entreprises concernées par l'opération de concentration qu'elles en soient parties ou objet ainsi qu'aux entreprises qui leur sont économiquement liées , et ce, sous la double condition que :

  • la part de ces entreprises réunies dépasse durant le dernier exercice 30% des ventes , achats ou toutes autres transactions sur le marché intérieur pour des biens, produits ou services substituables, ou sur une partie substantielle de ce marché.
  • le chiffre d'affaires global réalisé par ces entreprises sur le marché intérieur dépasse un montant déterminé par décret.

Le chiffre d'affaires réalisé sur le marché intérieur par les entreprises concernées s'entend de la différence entre le chiffre d'affaires global hors taxes de chacune de ces entreprises et la valeur comptabilisée de leurs exportations directes ou par mandataires .

Article Article 8. (nouveau). - Tout projet de concentration ou toute concentration doit être soumis au ministre chargé du commerce par les parties concernées par l'acte de concentration dans un délai de quinze jours à compter de la date de la conclusion de l'accord, de la fusion, de la publication de l'offre d'achat ou d'échange des droits ou obligations, ou de l'acquisition d'une participation de contrôle.
La notification peut être assortie d'engagements destinés à atténuer les effets de la concentration sur la concurrence.
Le silence gardé par le ministre chargé du commerce pendant trois mois à compter de sa saisine vaut acceptation tacite du projet de concentration ou de la concentration ainsi que des engagements qui y sont joints.
Pendant ce délai, les entreprises concernées par le projet ou l'opération de concentration ne peuvent prendre aucune mesure rendant la concentration irréversible ou modifiant de façon durable la situation du marché.
En cas de notification au ministre chargé du commerce de tout projet ou opération de concentration, il incombe aux parties de présenter un dossier comprenant :

  • une copie de l'acte ou du projet d'acte soumis à notification et une note sur les conséquences attendues de cette opération ;
  • la liste des dirigeants et des principaux actionnaires ou associés des entreprises parties à l'acte ou qui en sont l'objet ;
  • les comptes annuels des trois derniers exercices des entreprises concernées et les parts de marché de chaque société intéressée ;
  • la liste des entreprises filiales, avec indication du montant de la participation au capital ainsi que la liste des entreprises qui leur sont économiquement liées au regard de l'opération de concentration.
  • une copie des rapports des commissaires aux comptes le cas échéant ;
  • un rapport sur l'économie du projet de concentration.

Chapitre III - DU CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Article Article 9. (nouveau). - Il est institué une commission spéciale dénommée Conseil de la Concurrence dont le siège est à Tunis. Il est appelé à connaître des requêtes afférentes aux pratiques anticoncurrentielles telles que prévues par l'article 5 de la présente loi.
L'avis de ce conseil peut être requis par le ministre chargé du commerce sur les projets de textes législatifs et réglementaires, et sur toutes les questions afférentes au domaine de la concurrence.
Le ministre chargé du commerce peut soumettre, s'il le juge nécessaire, à l'avis du conseil de la concurrence tout projet de concentration ou toute concentration visés à l'article 7.
Dans ce cas, le ministre avise de cette saisine les parties à l'acte, et le délai de réponse prévu à l'article 8 est porté de trois à six mois.

Article Article 10. (nouveau). - Le conseil de la concurrence est composé comme suit:

  1. un président exerçant ses fonctions à plein temps nommé parmi les membres magistrats ou les personnalités choisies pour leur compétence en matière économique ou en matière de concurrence ou de consommation. Le président est nommé pour un mandat de cinq ans non renouvelable s'il est choisi parmi les magistrats et renouvelable une seule fois s'il est choisi parmi les personnalités nommées en raison de leur compétence en matière économique ou en matière de concurrence ou de consommation.
  2. Deux vice-présidents :
    • un conseiller au tribunal administratif en tant que premier vice-président exerçant ses fonctions à plein temps ;
    • un conseiller auprès de l'une des deux chambres chargées du contrôle des entreprises publiques à la cour des comptes en tant que deuxième vice-président exerçant ses fonctions à plein temps.

    Les deux vice-présidents sont nommés pour une durée de cinq ans renouvelable une seule fois.

  3. Membres :
    • quatre magistrats de deuxième grade au moins;
      Sous réserve des dispositions de la loi portant statut particulier des magistrats relatives au détachement, les membres magistrats sont nommés pour une durée de cinq ans renouvelable une seule fois s'ils sont en situation d'exercice dans leur corps d'origine.
    • quatre personnalités ayant exercé ou exerçant dans le domaine de la production, de la distribution, de l'artisanat ou des prestations de service, nommées pour un mandat de quatre ans non renouvelable.
    • deux personnalités choisies en raison de leur compétence en matière économique ou en matière de concurrence ou de consommation, nommées pour un mandat de six ans non renouvelable

Le Président, les vice-présidents et les membres du conseil sont nommés par décret pris sur proposition du ministre chargé du commerce.

Article Article 11. (nouveau). - Les requêtes sont portées devant le conseil de la concurrence par le ministre chargé du commerce, les entreprises économiques, les organisations professionnelles ou syndicales, les organismes ou groupements de consommateurs agréés, ou par les chambres d'agriculture, ou celles du commerce et d'industrie.
Sont prescrites les actions afférentes à des pratiques anticoncurrentielles remontant à plus de trois ans.
Les requêtes sont adressées au président du conseil de la concurrence par lettre recommandée avec accusé de réception ou par dépôt auprès du secrétariat permanent du conseil avec décharge, et ce soit directement, ou soit par l'entremise d'un avocat.
La requête doit comporter les éléments préliminaires de preuve et doit être présentée en quatre exemplaires.
Le secrétariat permanent du conseil transmet au ministre chargé du commerce copie de toutes les requêtes reçues à l'exception de celles introduites par le ministère lui même.

Article Article 13. (nouveau). - Il est désigné auprès du conseil de la concurrence un ou plusieurs rapporteurs nommés par décret parmi les magistrats et les fonctionnaires de la catégorie "A" exerçant depuis au moins sept ans dans les domaines afférents à la concurrence et à la consommation.
Le président du conseil peut désigner des rapporteurs contractuels choisis pour leur expérience et compétence dans les domaines de la concurrence et de la consommation.
Le rapporteur est chargé d'instruire les requêtes qui lui sont confiées par le président du conseil.
A cet effet, il vérifie les pièces du dossier et peut réclamer aux personnes physiques ou morales concernées sous le sceau du président du conseil tous les éléments d'information complémentaires.
Il peut procéder dans les conditions réglementaires, et après autorisation du président du conseil; à toutes enquêtes et investigations sur place. Il peut également se faire communiquer tout document qu'il estime nécessaire à l'instruction de l'affaire.
Le rapporteur peut demander sous le sceau du président du conseil, que des enquêtes ou expertises soient effectuées notamment par les agents de l'administration chargés du contrôle économique ou technique.

Article Article 16. (nouveau). - Il est créé au sein du conseil de la concurrence une ou plusieurs sections spécialisées. Au début de chaque année judiciaire, le président du conseil fixe leur nombre et leur composition et désigne leurs membres.
Chaque section est présidée par le président du conseil ou par l'un de ses deux vice-présidents. La section est composée en plus de son président, de trois membres dont au moins un magistrat.
Les sections statuent à la majorité des voix et prononcent leur jugement de façon contradictoire. En cas de partage égal des voix, la voix du président est prépondérante.
Le ministre chargé du commerce peut, sur proposition du président du conseil, procéder au remplacement de tout membre du conseil qui n'a pas participé, sans motif valable, à trois séances consécutives du conseil.
Aucun membre ne peut délibérer dans une affaire où il a un intérêt ou s'il représente ou a représenté une des parties intéressées.
Toute partie concernée peut récuser tout membre du conseil par voie de demande écrite soumise au président du conseil qui tranche définitivement la question dans un délai de cinq jours après l'audition des deux parties.

Article Article 20. (nouveau). - Le conseil de la concurrence peut également, le cas échéant :

  • adresser les injonctions aux opérateurs concernés pour mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles, dans un délai déterminé, ou leur imposer des conditions particulières dans l'exercice de leur activité ;
  • prononcer la fermeture provisoire de ou des établissements incriminés, pendant une période n'excédant pas trois mois.
    Toutefois, la réouverture des dits établissements ne peut intervenir qu'après qu'ils aient mis fin aux pratiques objet de leur condamnation.
  • transmettre le dossier au parquet en vue d'engager les poursuites pénales.

Le conseil de la concurrence peut, en cas d'exploitation abusive d'une position dominante résultant d'un cas de concentration d'entreprises, proposer au ministre chargé du commerce d'enjoindre, le cas échéant conjointement avec le ministre dont relève le secteur intéressé, par décision motivée, à l'entreprise ou au groupe d'entreprises en cause, de modifier, de compléter ou de résilier, tous accords et tous actes par lesquels s'est réalisée la concentration qui a permis les abus, et ce nonobstant l'accomplissement des procédures prévues aux articles 7 et 8.

Article Article 29. (nouveau). - Il est interdit à tout commerçant, industriel ou artisan ainsi qu'à tout prestataire de service :

  1. de refuser de satisfaire, dans la mesure de ses disponibilités et dans les conditions conformes aux usages commerciaux , aux demandes d'achat de produits ou aux demandes de prestation de services pour une activité professionnelle, lorsque lesdites demandes ne présentent aucun caractère anormal et émanent de demandeurs de bonne foi et lorsque la vente de produits ou la prestation de services, n'est pas interdite par une loi ou par un règlement de l'autorité publique.
  2. de pratiquer à l'égard d'un partenaire économique ou d'obtenir de lui des prix , des délais de paiement, des conditions ou des modalités de vente ou d'achat discriminatoires et non justifiées par des contreparties réelles, en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence.
  3. de subordonner la vente d'un produit ou la prestation d'un service à l'achat concomitant d'autres produits, à l'achat d'une quantité imposée, ou à la prestation d'un autre service.
  4. de mettre à la vente, de vendre ou d'acheter en vue de vendre les produits, biens ou marchandises dont la provenance est inconnue. Lesdites produits, biens ou marchandises sont saisis conformément aux dispositions de l'article 46 de la présente loi.

Le ministre chargé du commerce peut ordonner la fermeture pour une durée maximale d'un mois, du ou des établissements objet de l'infraction.

Article Article 36. (nouveau). - Sous réserve des dispositions de l'article 6 de la présente loi et après accomplissement de la procédure prévue à l'alinéa 3 de l'article 20 de la présente loi, est puni d'un emprisonnement allant de seize jours à une année et d'une amende de 2.000 dinars à 100.000 dinars ou de l'une de ces deux peines seulement, toute personne physique qui, par des moyens détournés, aura pris une part déterminante dans la violation des interdictions édictées par l'articles 5 de la présente loi.
Le tribunal peut, en outre, ordonner que sa décision soit publiée intégralement ou par extraits dans les journaux qu'il désigne, aux frais du condamné . Il peut également ordonner dans les conditions définies à l'article 41 de la présente loi, l'affichage et/ou la publicité par tout autre moyen, de sa décision.

Article Article 2. - Sont ajoutés à la loi n° 91-64 du 29 Juillet 1991, relative à la concurrence et aux prix les articles 7 bis, 9 bis, 10 bis, 16 bis et 42 bis libellés comme suit :

Article Article 7. bis. - Le ministre chargé du commerce peut seul, ou le cas échéant conjointement avec le ministre dont relève le secteur intéressé, prendre toute mesure conservatoire propre à assurer ou à rétablir les conditions d'une concurrence suffisante.
Il peut, également, subordonner la réalisation de l'opération de concentration à l'observation de prescriptions de nature à apporter au progrès économique et social une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence.

Article Article 9. bis. - Le conseil de la concurrence apprécie si le projet ou la concentration apporte au progrès technique ou économique une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence.
Il doit prendre en considération lors de l'appréciation du projet ou de l'opération de concentration économique, la nécessité de la consolidation ou de la préservation de la compétitivité des entreprises nationales face à la concurrence internationale.
Les délais prévus à l'article 8 commencent à courir à compter du jour de la délivrance de l'accusé de réception, sous réserve que le dossier soumis à l'appréciation du ministre chargé du commerce comporte tous les éléments énumérés ci-dessus.

Article Article 10. bis. - Les modalités d'organisation administrative et financière, et de fonctionnement du conseil de la concurrence sont fixées par décret pris sur proposition du ministre chargé du commerce.
Le conseil de la concurrence établit son règlement intérieur.

Article Article 16. bis. - L'assemblée plénière du conseil de la concurrence connaît des demandes d'avis présentées au conseil parle ministre chargé du commerce.
Elle connaît également des affaires renvoyées par le tribunal administratif après l'infirmation de leur jugement.
Les membres du conseil qui ont statué sur une affaire au niveau de la section ne peuvent participer aux travaux de l'assemblée plénière.
Dans tous les cas, le conseil de la concurrence ne peut valablement délibérer en séance plénière que si au moins la moitié de ses membres dont au moins quatre magistrats sont présents.

Article Article 42. bis. - Les infractions aux dispositions des articles 7, 7 bis et 8 , aux décisions prises en vertu de leurs dispositions, ou aux engagements pris, sont punies d'une amende dont le montant ne peut dépasser 5 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé sur le marché national par les opérateurs concernés au cours de l'exercice comptable écoulé.

Article Article 3. - Les termes : " commission de la concurrence " sont remplacés par les termes : " conseil de la concurrence " dans les articles 12, 14, 15, 17, 18, 19, 21, 34 et 35 de la loi 91-64 du 29 Juillet 1991 relative à la concurrence et aux prix.
Les termes : " le ministre chargé de l'économie " sont remplacés par les termes : " le ministre chargé du commerce " dans les articles 4, 40, 46, 52, 53 et 59 de la loi précitée , et les termes : " les articles 5 et 6 de la même loi " sont remplacés par les termes : " l'article 5 (nouveau) " dans l'article 34 de ladite loi.

Tunis, le 24 avril 1995

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