La mission du juge: Résolution des litiges et non la liquidation des affaires

La mission du juge ne consiste pas dans la simple liquidation des affaires mais plutôt dans la résolution des litiges conformément à la loi et sur la base de données exactes ce qui nécessite, de sa part, un bon effort personnel pour chercher la vérité.

C’est ce qu’a affirmé la Cour de Cassation à l’occasion d’une affaire de remboursement de dette[1]. La justice d’aujourd’hui! Cet arrêt en dit beaucoup.

Certains vont être surpris, impressionnés, ébahis, scotchés, ou même choqués par cette parenthèse ouverte par la Cour pour rappeler aux juges, la fonction d’un juge.

Personnellement, Non. Je voyais venir cette leçon au vu de la métamorphose manifeste qui a caractérisé les arrêts de la Cour de Cassation depuis des décennies.

En réalité, ce n’est ni une leçon, ni un rappel, mais un Cri. STOP, disait la Cour, submergée par le nombre des pourvois en cassation. En 2007-2008, les affaires enrôlées à la Cour ont atteint 48.949 affaires. C’est TROP.

Depuis une décennie, presque, on a senti un nouveau style des arrêts de la haute Cour. On dirait des cours de droit. Des cours que la haute juridiction voulait en faire un cadeau aux juges et aux avocats, aussi.

Mais ça n’a pas suffit, apparemment. D’ailleurs, on a constaté dans des dizaines d’arrêts que les différentes sections de cette Cour se sont trouvées dans l’obligation de traiter les faits des affaires pour en conclure à la bonne règle de droit, applicable.

Ainsi, certains n’ont pas raté l’occasion pour constater que la Cour de Cassation est devenue un 3ème niveau de juridiction de fond. Ils n’ont pas tort. C’été une amer réalité qui ne devait pas être.

La justice a mal? Certes, oui, mais quelle est la pathologie? Devrons-nous s’en vouloir aux juges de fond? Non, non plus.

Il est évident, et tout le monde en est conscient, que le nombre des juges reste insuffisant au vu du nombre des affaires enrôlées chaque année. Pour l’année 2007-2008, 167.910 affaires enrôlées aux 10 Cours d’Appel dont 56.272 devant la seule Cour d’Appel de Tunis (33,5%). 1.698.904 affaires enrôlées aux 24 TPI dont 242.386 devant le TPI de Tunis (14%).

Ce chiffre colossal est traité et géré par un nombre de magistrats qui ne dépasse pas les 1500!!! C’est peu. Trop peu.

D’où le dilemme. Un juge doit se poser la question: ou j’essaie de rendre une bonne justice au dépend de la stabilité des situations juridiques des justiciables (vu qu’il va s’attarder longtemps sur chaque dossier) ou je dois veiller à fixer les situations juridiques de différentes parties le plus vite possible au risque que ça soit au dépend d’une bonne justice?

Il ne faut pas oublier que la justice est faite pour assurer la stabilité des situations juridiques des justiciables ce qui implique un besoin de célérité et de rapidité sans pour autant que le défaut d’une bonne justice en soit un effet automatique.

Accuser les juges de ne pas rendre une bonne justice (volontairement) serait un crime. Après tout ils sont de la race humaine. Ils peuvent commettre des erreurs, passer à coté de la plaque; y a des juges plus intelligents que d’autres; y en a qui sont plus méticuleux que d’autres, mais nous ne manquons pas de juges compétents.

La bonne justice est un idéal, la stabilité des situations juridiques est un but immédiat. Peut-on concilier les 2? Difficile, mais le rapprochement entre les 2 parties de la balance n’est pas impossible.

C’est dans ce sens que nous pensons qu’il est temps d’avoir le courage de revoir notre système judiciaire et réformer notre justice. Quand on voit des cours siégeant avec 5 magistrats ou même 3, nous en concluons par une simple opération arithmétique que nous avons de 2 à 4 magistrats en moins.

Les systèmes judiciaires favorisant les tribunaux à juge unique ont résolu quelque problème étant donné que ce système élargit la base de fractionnement juge/affaire et permet une meilleure spécialité des magistrats qui ne peut être que bénéfique pour tout le monde.


[1] – Cour de Cassation, Arrêt n° 11402 du 23/10/2007; BCC 2007, I, 129.

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