Sommes-nous un peuple qui divorce plus ou moins que les autres?

Entre un journalisme prétentieux dénoué du minimum professionnel requis avançant des données qu’il nomme et qualifie sans retenu de "statistiques" et un ministère de la justice qui se sent obligé de répondre à toutes rumeurs et intox lancées ici et ailleurs à tel point qu’il est devenu, sans le vouloir, porte parole du gouvernement, le torchon a brulé vif et sec.

Le journal Essabah (encore lui) se basant, encore une fois, sur des données et ses statistiques dont on ignore la source, a publié un truc qu’il a qualifié d’étude démontrant par une analyse comparative avec les pays arabes qu’en Tunisie le nombre des divorces est potentiellement élevé.

Comme par hasard, quelques semaines en arrière, certains ont suivi les réponses du ministre de la justice (à une question qui lui a été posée à la chambre des députés) qui a certifié que contrairement à ce qu’on pense, le nombre des mariages a progressé et que les cas de divorce ont régressé.

Il été donc attendu que la publication du journal en question ne laisse pas indifférent le ministère de la justice qui a usé de sont droit de réponse profitant de l’occasion pour rappeler au journal et au journaliste en question quelques ABC du métier: Vérifier ses données avant de publier et savoir comparer.

Quel ton!

A lire la mise au point du ministère publiée au journal dans son édition d’hier, on ne peut que retenir le style moqueur mais sérieux et vigoureux de la réponse.

Pour une fois: BRAVO.

Le ton de la réponse a, peut être, persuadé le Journal de ne pas faire suivre cette mise au point par son habituel NDLR[1]. Et c’est tant mieux.

Espérant que le message ait passé cette fois-ci pour ce journal dont la prétention de ses journalistes lui a valu des cases[2] dans l’histoire du journalisme tunisien telle la fameuse interview Ch. Aznavour.

Mais revenons à la question: Divorçons-nous plus que les autres?

On rejoint sans hésitation le fond de l’analyse véhiculée par la mise au point du ministère de la justice.

Pour comparer, il faut se référer à un système analogue au notre et à une société proche de la notre aussi.

La référence aux pays européens et occidentaux sur ce plan parait illusoire vu que la société n’est pas la même. Le mariage n’étant pas conçu réellement de la même manière, le divorce ne peut pas en échapper.

Qu’on le veuille ou non, la question sexuelle fait la différence. En Tunisie, pays de tradition musulmane encore enracinée chez la population, le mariage, même s’il reste fondé sur un lien sentimental, représente aussi une légitimation de cohabiter avec l’autre et d’entretenir des rapports sexuels.

C’est cette cohabitation post mariage qui fait apparaître aux uns et aux autres les défauts de chacun. D’où tensions, disputes et divorce. Si cette cohabitation été permise avant, on aurait peut être une autre donne.

Quant aux autres pays arabes, et sans la moindre hésitation, l’objection est de taille pour comparer la Tunisie avec de tels pays: Le système.

En Tunisie, pour divorcer il faut passer par la justice. Aucun autre moyen n’est possible. Ainsi, les chiffres du ministère de la justice sont l’unique référence possible.

Nous comparer avec des pays où le divorce reste au bon gré d’un mari surexcité et ne subissant aucun canal officiel ni une forme précise, devient un travail d’illusion inutile.

Il est fort possible que nous divorçons plus qu’eux puisque la polygamie tolérée chez eux leur permettent de vivre avec une (ou plus) autre femme sans besoin de se séparer.

Il est fort possible aussi que nous divorçons moins qu’eux puisque leurs divorces ne sont pas tous insérées en statistiques.

Ce qui est certain, les donnes de la société tunisienne contemporaine doivent conduire logiquement à une régression des divorces.

Aujourd’hui, étant devenu impossible (ou presque) de se marier jeune (entre 20-30 ans), les mariages célébrés au cours de la tranche 30-40 ans ne permettent pas de voir autant des divorces en raison de l’âge avancé des uns et des autres, mais surtout, en raison d’une impossibilité (ou presque) financière.

En effet, aujourd’hui, un divorce s’apparente plus à une faillite et une ruine financière du mari et le tunisien (en bon père de famille) ne peut plus s’en permettre.

Ainsi, divorcer moins qu’avant ou moins qu’autre ne signifie nullement que nous vivons en couple mieux qu’avant ou mieux qu’autre.

Sur ce plan, c’est le ministère de la famille et de la femme qui peut nous éclairer.


[1] – Comparez avec la mise au point de la commune de Tunis publiée aujourd’hui où la NDLR été de retour.

[2] – à lire en Anglais pour désigner l’antécédent judiciaire. (Jurisprudence).

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