L'affaire du Crash de l'avion ATR 72 de TUNINTER

Les faits:

Un avion de la compagnie Tuninter du type ATR-72 faisait un vol Bari (Italie)-Djerba(Tunisie).

ATR-72

La veille de l’accident, de nouvelles jauges prévues pour un autre type d’avion ATR-42 auraient été montées par erreur. Elles auraient indiqué au pilote des réservoirs pleins alors qu’ils étaient vides. Une jauge d’un ATR-42 montée sur ATR-72 donne une quantité de fuel supérieure à celle effective (pour une quantité = 0, elle donne 1800kg).

Arrivant à cette dernière ville et entamant le retour, l’équipage de l’ATR-72 croyait avoir 3.000 litres de kérosène dans ses réservoirs au moment où l’avion s’est ravitaillé et n’a donc demandé que 240 litres supplémentaires de carburant.

Faute d’essence, les deux moteurs se sont arrêtés à peu près en même temps, empêchant l’avion d’atteindre l’aéroport de Palerme pour un atterrissage d’urgence et le forçant à un amerrissage devant les côtes nord de la Sicile.

Bilan: 16 morts (14 italiens et 2 tunisiens) et 23 blessés. Un miracle.

Epave ATR-72 en mer

L’enquête:

L’enquête ouverte par l’agence italienne ANSV (l’Agence nationale de Sécurité des Vols) a conclu le 16/1/2009 aux résultats suivants:

La 1ère cause directe du crash est dûe à une erreur de procédure de changement de jauge sur l’avion accidenté commise par le personnel de maintenance.

D’autres facteurs ont contribué à la survenance de cet accident et dont notamment:

– Erreur commis par les mécaniciens et techniciens au sol dans la recherche et la juste individualisation de l’indicateur du carburant approprié

– Erreur de conduite commis par l’équipage qui n’a pas respecté la procédure opérative, particulièrement quant à la vérification du fuel présent à bord.

– Carence du contrôle effectué par les officies de la compagnie tuninter quant au respect de l’équipage du vol des procédures opératives

– Défaillance du système du contrôle des opérations de maintenance par la compagnie.

– Défaillance du système de gestion des maintenances.

– Standards de manutention et d’organisation à bord insatisfaisants

– Caractéristiques techniques des jauges (FQI) prêtant à confusion et rendant possible le montage d’une jauge ATR-42 sur une ATR-72

Comme on constate, l’ANSV n’a pas conclu à une faute directe du pilote. Elle a plutôt mis l’accent sur le système de maintenance et sa gestion pratiqués par Tuninter et a fait allusion à une possible responsabilité du Fabriquant de l’avion rendant possible une telle erreur.

Le Jugement:

Le tribunal de Palerme, en Italie, s’est saisi d’une action en justice dont on ignore la nature et les auteurs, et a rendu le 23/3/2009 son verdict condamnant Le pilote et le copilote de l’ATR à 10 ans de prison. Le directeur général du Tuninter et son directeur technique ont été condamnés à 9 ans tandis que deux responsables de la manutention et à un mécanicien ont subi des peines de 8 ans. Seuls acquittés, 2 techniciens de manutention.

Ces condamnations n’ont pas dévié des options du parquet qui avait requis des peines de 8 à 12 ans de prison.

Une certitude:

1- Une ou plusieurs erreurs humaines ont été commise. Elles ont été commises au sol, au niveau du changement de la jauge et au niveau de l’inattention vis-à-vis des imprécisions manifestes que donnaient les instruments de bord.

2- Une défaillance du coté du constructeur qui a rendu cette erreur possible.

Les Zones d’ombre du jugement

Selon les informations reçus des médias, 2 éléments ressuscitent l’interrogation. En effet, on évoque que le jugement s’est basé entre autre sur 2 faits qu’il a jugé graves. En 1er lieu, il a considéré anormal le fait que les pilotes ou le personnel navigant ne parle pas italien!!! En second lieu, il a été reproché au pilote de se donner à des rituels bizarres (il invoquait dieu et prononçait la chahada) au lieu de se concentrer sur son effort à ramener l’avion à Palerme.

Si l’information est vraie, nous pensons s’abstenir de tout commentaire au vu que tous les techniciens et spécialistes qui ont eu connaissance des éléments du crash ont conclu à l’impossibilité théorique et pratique de ramener l’avion à terre et ont salué la bravoure du pilote. Si invoquer Dieu serait devenu un élément aggravant les responsabilités des uns et des autres, nous pensons dès lors que le jugement ne méritait même pas son récit.

Des Questions nécessitant des réponses

1- Quelle été la nature de la saisine du tribunal de Palerme? Auto-saisine? Une action publique suite à une plainte des victimes?

2- Certains avancent que l’avion s’est amarré dans les eaux internationales. Ce fait, ou cet élément, aurait-il une influence sur la compétence des tribunaux italiens et le droit applicable en la matière?

3- Comment se fait-il que la sentence soit aussi sévère envers les pilotes alors que le rapport d’expertise de l’agence italienne ANSV n’évoquait pas une faute de pilote ou l’équipage?

4- Le jugement a-t-il omis d’engager la responsabilité du constructeur de l’avion (franco-italien) alors même que le rapport susvisé a mis clairement en relief la bêtise du constructeur en rendant possible l’erreur?

5- La justice italienne a-t-elle ignoré la teneur de l’annexe 13 de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale qui interdit à qui que soit de se baser sur un rapport d’enquête technique d’accident d’avion pour condamner les équipages de conduite des aéronefs?

6- Le jugement s’est il basé sur d’autres éléments non rendus publics jusque là?

7- Quel effet d’un tel jugement vis-à-vis des autorités tunisiennes et des condamnés?

8- On dit que la partie Tunisienne (pilotes et compagnie) a décidé d’interjeter appel. Devant qui? Est-ce la bonne voie?

On ne peut pas réagir à un jugement sans avoir entre les mains et de manière sûre les éléments de procédure et les motifs du jugement.

Mais on va tenter de répondre petit à petit à ces interrogations et construire les éléments de puzzle juridique de la manière la plus précise qu’on pourrait avoir.

Ça sera l’affaire de nos forums.

Des articles intéressants à lire à propos de cette affaire:

1- Le débat sur crash aérien.com: un débat de connaisseurs.

2- Le récit simple et neutre sur crashdehabsheim

3- Explications plus techniques sur securiteaerienne.com

4- D’autres reproches au jugement

5- Le Rapport Final de l’enquête menée par l’ANSV

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