Vocation héréditaire de la nièce : avis favorable du mufti, opposition des juges!!!

Cujas, un membre de nos forums a laissé un message du titre de ce post où il est question d’héritage d’une nièce.

Après l’avoir lu et relu, il m’est apparu que ce message est digne, non seulement d’un simple billet dans le blog, mais d’une invitation à une réflexion plus profonde et plus poussée sur la portée de notre droit successorale.

Je vous invite à le lire attentivement et nous partager sa discussion dans les forums où on doit s’attendre à des avis de spécialistes de cette matière.

Mais disons tout de suite que le titre méritait une petite mise au point: Ce n’est pas opposition des juges, mais fallait peut être dire: opposition d’un(e) juge. Cantonale de surcroit.

C’est par ici qu’on doit commencer. Est-il concevable qu’un juge cantonal bloque par sa seule volonté l’interprétation d’un cas aussi compliqué se rapportant à une matière juridique qui a besoin d’évoluer?

C’est aussi se demander si le juge cantonal ne devrait pas être choisi parmi nos juges les plus compétents et les plus expérimentés au vu de sa compétence étendue et variée?

On se pose la question aussi, comment notre système ne prévoit pas une procédure spéciale pour remédier à toute question juridique délicate dont la réponse influe de manière directe sur la justice et qui, par malheur, ne trouve pas une réponse dans les textes?

N’est-il pas temps de charger la Cour de Cassation de donner des avis hors procédure contentieuse sur les modalités ou les moyens de procéder à combler un vide législatif ou une controverse manifeste d’un texte?

Si on se limite au texte du message de Cujas, on doit dire que c’est une première de voir une sollicitation (indirecte) de l’avis du mufti de la république par nos juges.

Peut-on concevoir un jour que nos hommes politiques chargés de la justice, nos technocrates au sommet de ce ministère et toutes les personnes concernées par la justice abandonnent une sorte d’étroitesse d’esprit académique et penser à associer toutes les parties prenantes à planifier une justice souple et généralement conçue pour ne pas se heurter à un éventuel dogmatisme qui pourrait cantonner le sens d’une loi dans la pensée d’un seul être humain?

La justice n’est pas seulement affaire de magistrats. C’est aussi un domaine où psychologues, professeurs de droit, sociologues, professionnels de métiers, spécialistes de religion et aussi historiens peuvent apporter un plus et contribuer à la rendre plus sociale qu’elle l’est aujourd’hui.

Revenons à la question du jour: notre droit successoral est-il juste? Juste dans le sens de l’égalité et la logique?

Personne ne vous répondra directement.

La raison est simple. Personne ne cherche le fondement de ce droit. On connaît sa source, seulement: le droit musulman.

C’est une pire manifestation de l’étroitesse de l’esprit juridique à confondre source et fondement. Connaître la source d’une loi ne signifie nullement déterminer son fondement. Si fondement n’est pas précisé, la justification d’une loi restera alors un mystère.

La pure altération juridique (Kelsienne) avec un texte recommande impérativement la détermination de son fondement et sa justification. C’est l’âme même de la philosophie de droit.

Pourquoi un droit successoral? Pour répartir une richesse (fondement) de manière juste et égalitaire entre les héritiers (justification).

La logique est très subtile: le sens même du droit c’est la justice et l’égalité. Si ces 2 éléments font défaut, on ne plus parler de droit.

Certes, le droit successoral tunisien tire sa source du droit musulman. La règle est claire: le mâle tient deux parts, la femelle, une seule.

En apparence, cette règle est inégalitaire. C’est mathématique. Mais est-elle juste?

Il faut se poser la question pourquoi une telle répartition? Les jurisconsultes musulmans ont avancé comme explication (entre autre) que la femme est supposée être une future épouse qui aura un mari qui s’en charge. Le mâle, lui, un futur père de famille qui aura besoin de ressources pour s’en occuper. La justification été, à cette époque, juste  au vu de la physionomie de la société et son économie.

Aujourd’hui, cette règle pourrait être plus avantagée. Les femmes travaillent. Les hommes sont presque au chômage. Raison de plus de leur garantir un minimum.

Mais ce n’est pas aussi évident. Nos femmes sont aussi au chômage après leurs études et ce n’est pas évident qu’elles trouvent un mari qui serait capable de subvenir aux besoins de la famille. Elle aura besoin autant que son frère de soutient de richesse familiale.

C’est pour démontrer que la réalité et la justice nécessitent une profonde réflexion pour en décider.

Est-il juste de nier le droit de succession à une nièce quand on sait que des nièces sont plus proches de leurs oncles que de leurs pères ?

Est-il juste de leur refuser ce droit au motif que le CSP ne les cite pas?

Arrêtons de tirer le fil de la source islamique du CSP pour bloquer toute possibilité de discussion.

Soyons honnêtes avec nous même: que reste t-il du droit musulman dans notre CSP?

A vouloir donner davantage de droits à la femme, on s’est décalé d’une longueur de cette source.

En droit successoral, on flirte avec le top de la contradiction et le non sens.

Pour preuve: on accorde au fils adoptif le droit d’hériter alors que l’adoption est interdite!!!!!!

Si on veut passer pour de bons juristes qui se justifient par la chariâa, une nièce serait plus proche…de ce droit.

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